lecture

À l’écoute de la Parole

«Jean-Baptiste proclamait un baptême de conversion» (Mc 1,4): cette simple phrase de l’évangile du jour nous offre une table d’orientation d’où contempler toutes les lectures de la messe. La conversion (μετάνοια, metanoia) est un processus qui se déploie entre deux temps pour permettre la rencontre entre Dieu et l’homme: Dieu s’approche de son peuple, et lui parle par la bouche d’Isaïe et de Jean-Baptiste; l’homme en retour est appelé à se tourner vers Dieu, comme dans l’évangile où «toute la Judée, tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de Jean-Baptiste». Saint Pierre nous y invite aussi en deuxième lecture.

La première lecture: «consolez mon peuple!» (Is 40)

En voulant ouvrir une nouvelle page de l’histoire d’Israël, le livre d’Isaïe imagine la venue, à Jérusalem, d’un envoyé spécial de son Souverain – le Seigneur – pour lui annoncer ce qu’elle doit attendre au milieu des tribulations: la venue de Dieu lui-même (Is 40). Nous voyons le héraut divin rejoindre son poste et délivrer son message: «Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle à Sion…» (v.9)

Le terme «bonne nouvelle» (εὐαγγέλιον, euangelion) était assez commun dans l’Antiquité. Il désignait un événement marquant pour un royaume, par exemple une victoire militaire ou la naissance d’un héritier; le souverain faisait proclamer publiquement la nouvelle, de ville en ville, par des émissaires autour desquels la population se rassemblait, émue d’apprendre la réalisation de ses espoirs les plus profonds.

Après toute une histoire conflictuelle marquée par le péché, le châtiment et la mort (en particulier l’Exil à Babylone), Dieu ne se contente pas de marques d’affection envoyées du ciel, il se fait proche de son peuple encore meurtri pour le guérir: il est le Bon Pasteur (tel un berger, il fait paître son troupeau, v. 11), qui a pardonné les fautes de son peuple (son crime est pardonné, v.2). Il s’apprête à venir lui-même, en personne, pour porter ses brebis sur son cœur: il faut donc lui préparer la route (40,3-4). Un message qui convient particulièrement pour l’Avent, où toute la liturgie nous prépare à la venue du Christ: «Voici le Seigneur Dieu qui vient avec puissance!»

Dans l’évangile, ce rôle d’émissaire est tenu par Jean, qui baptise le peuple en vue de la venue de Jésus, le Fils de Dieu qui «baptisera dans l’Esprit Saint» (Mc 1,8). La toute première tradition chrétienne, se remémorant la figure de Jean-Baptiste, l’ermite du désert, a donc reconnu en lui la «voix de celui qui crie dans le désert», annoncée par Isaïe (Mc 1,2 citant Mal 3,1 et Is 40,3 selon la version grecque).

Le psaume: Justice et paix s’embrassent (Ps 85)

Le psaume choisi par la liturgie épouse le mouvement spirituel d’Isaïe: dynamique de pardon pour la première partie: «Fais-nous revenir, Dieu, apaise ton ressentiment contre nous!» (v.5), puis description de la consolation dans la deuxième: «Ce que dit le Seigneur, c’est la paix pour son peuple…» (v.9). Nous ne lisons aujourd’hui que cette dernière, où le psalmiste contemple déjà la présence du Seigneur, qui inaugurera l’ère messianique, telle que l’attendait le peuple juif, lorsque la «Gloire habitera notre terre», et qu’enfin disparaîtra le mal: «Amour et vérité se rencontrent, Justice et paix s’embrassent» (v.11).

Comme Isaïe, le psalmiste imagine un chemin préparé devant le Seigneur par la Justice (v.14), c’est-à-dire la rectitude du juste. Elle est pleinement réalisée par Jean-Baptiste, dont Jésus dit: «Amen, je vous le dis, parmi ceux qui sont nés de la femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste» (Mt 11,11). Le précurseur est le héraut d’une ère nouvelle. Saint Jean-Paul II résume bien l’esprit de ce psaume:

«La vérité germe comme un printemps renouvelé, et la justice qui, pour la Bible, est aussi sainteté et salut, se penche, du haut du ciel, pour commencer son chemin au milieu de l’humanité. Toutes les vertus, auparavant expulsées de la terre à cause du péché, rentrent maintenant dans l’histoire et, se croisant, dessinent la carte d’un monde de paix. Miséricorde, vérité, justice et paix deviennent comme les quatre points cardinaux de cette géographie de l’esprit.»[1]

L’évangile : Il proclamait un baptême de conversion (Mc 1)

Les lectures précédentes ont déjà posé les thèmes principaux de l’évangile du jour (Mc 1): la conversion, la Bonne Nouvelle, l’espoir du salut. Il suffit d’y ajouter le baptême en vue du pardon des péchés pour obtenir un cadre complet, comme le fait le Catéchisme:

«Cet appel [à la conversion] est une partie essentielle de l’annonce du Royaume: “Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est tout proche; repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle” (Mc 1,15). Dans la prédication de l’Église cet appel s’adresse d’abord à ceux qui ne connaissent pas encore le Christ et son Évangile. Aussi, le Baptême est-il le lieu principal de la conversion première et fondamentale. C’est par la foi en la Bonne Nouvelle et par le Baptême (cf. Ac 2, 38) que l’on renonce au mal et qu’on acquiert le salut, c’est-à-dire la rémission de tous les péchés et le don de la vie nouvelle.»[2]

Tout au long de cette année liturgique B, nous allons lire l’évangile de Marc. Son premier verset nous offre, en synthèse, tout son message et sa structure: «Commencement de la Bonne Nouvelle [εὐαγγέλιον, evangelion] de Jésus, Christ, le Fils de Dieu » (Mc 1,1). Saint Marc était probablement disciple de Simon-Pierre, et il apparaît dans les Actes (Ac 12) et la Première Lettre de Pierre: « … ainsi que Marc, mon fils» (1P 5,13). Il a ainsi écouté puis imité la catéchèse du Prince des apôtres à Rome. À la suite de Pierre, Marc veut donc annoncer l’extraordinaire événement, la Bonne Nouvelle, qu’est la venue de Jésus, une bonne nouvelle promulguée non par un roi terrestre mais par Dieu lui-même; il veut inviter son lecteur à croire en son mystère: il est le Messie (Christ) et le Fils de Dieu.

Pour cela, il présente d’abord le ministère de Jésus en Galilée (guérisons, paraboles, etc.) pour conclure sur l’exclamation de Pierre: «Tu es le Christ» (8, 29). Jésus est ainsi reconnu comme le Messie juste avant la Transfiguration. Puis Jésus accomplit sa grande montée vers Jérusalem, acclamé comme Fils de David (titre messianique); il s’en va vers le mystère de sa Passion, de sa mort et de sa Résurrection. Cette Passion, il l’annonce par trois fois, mais les disciples n’entrent pas dans ce mystère. Au pied de la Croix, il reviendra à un centurion de s’exclamer: «il était vraiment le Fils de Dieu!» (15,39). À travers ces trois titres donnés à Jésus – Christ, fils de David, fils de Dieu, le lecteur est appelé à suivre un itinéraire de croissance dans la foi pour adhérer à cette «Bonne Nouvelle de Jésus, Christ, le Fils de Dieu». Ce chemin pédagogique sera le nôtre pendant cette nouvelle année liturgique.

La deuxième lecture: Le Seigneur ne tarde pas (2P 3)

Le peuple d’Israël recevait d’Isaïe l’invitation à préparer le chemin du Seigneur; au bord du Jourdain, surgit Jean-Baptiste pour répéter la même exhortation. Aujourd’hui, alors que nous attendons encore la venue du Christ dans la gloire, il revient à saint Pierre de nous rassurer: «le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse…» (2P3,9). Un message similaire à celui de la semaine dernière: l’Avent vécu comme attente de la Parousie.

Saint Pierre annonce donc «un ciel nouveau et une terre nouvelle» (v.13), comme le prophète Isaïe (Is 65,17) puis saint Jean (Ap 21,1). Plongés dans les méandres de l’histoire, les chrétiens s’interrogent: quand cela va-t-il enfin se produire? Toute la réflexion de l’apôtre tourne autour du jour du Seigneur (ἡμέρα κυρίου, heméra Kyriou), c’est-à-dire son retour en gloire (la Parousie). Il semble tarder, mais c’est une manifestation de la miséricorde, afin que «tous aient le temps de se convertir » (v.9); bien plus, les croyants peuvent «hâter l’avènement du jour de Dieu », par leurs prières et leurs bonnes œuvres.

Ce jour viendra par surprise (comme un voleur); bien plus qu’un grand changement, ce sera la fin de toute chose créée. Alors un autre monde apparaîtra. Pierre nous le dit: «les cieux disparaitront avec fracas (…) la terre avec tout ce qu’on a fait ici-bas, sera détruite». Il faut donc l’attendre «en vivant dans la sainteté et la piété» (v.11), sans s’attacher à ce monde qui passe, et faire tout «pour qu’on vous trouve sans tache ni défaut» (v.14): un appel à la conversion, similaire à celui de Jean-Baptiste dans l’évangile.

Rassemblés en Église, nous sommes pèlerins sur terre: comme les habitants de Jérusalem, nous écoutons avec joie Isaïe qui annonce la venue de la Bonne Nouvelle de la venue du Seigneur; nous allons au Jourdain pour nous convertir à l’appel de Jean-Baptiste; nous reconnaissons le Messie, comme saint Pierre, et nous vivons spirituellement de ses dons. Nous attendons enfin son retour dans la gloire, comme la liturgie de l’Avent nous y invite:

«Car il est déjà venu, en prenant la condition des hommes, pour accomplir l’éternel dessein de ton amour et nous ouvrir le chemin du salut; Il viendra de nouveau, revêtu de sa gloire, afin que nous possédions dans la pleine lumière les biens que tu nous as promis et que nous attendons en veillant dans la foi.»[3]

⇒Lire la méditation


[1] Saint Jean-Paul II, Audience générale, 25 septembre 2002.

[2] Catéchisme, nº1427.

[3] Préface de l’Avent I (les deux avènements du Christ).


Le chemin de conversion pour l’Avent, entre lumières et ténèbres

Le chemin de conversion pour l’Avent, entre lumières et ténèbres


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