Nous allons suivre Nicodème et passer, comme lui, de la perplexité à la confiance: perplexité d’un mystère qui nous dépasse, confiance en Dieu qui nous offre la vie éternelle. Il nous faudra pour cela passer par le mystère du mal présent dans l’histoire et dans notre propre vie, puisque Jésus nous avertit clairement: «Le Jugement, le voici: la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises» (Jn 3,19).
La perplexité de Nicodème
«En ce temps-là, Jésus disait à Nicodème:…»: la proclamation de l’Évangile à la messe s’ouvre par cette petite expression, qui ne se trouve pas dans l’évangile de Jean, mais que la liturgie se permet de rajouter. Elle vient nous rappeler le contexte de ce discours théologique très profond: il s’est d’abord adressé à un homme, dans un dialogue nocturne, et nous pouvons tout à fait nous mettre à sa place pour que le message nous atteigne personnellement. Saint Jean-Paul II nous offre une bonne introduction:
«Jésus a devant lui un scribe, versé dans les Saintes Ecritures, un membre du Sanhédrin et, en même temps, un homme de bonne volonté. C’est pourquoi il décide de l’initier au mystère de la Croix. Il lui rappelle donc, pour commencer, que durant la marche de 40 années qui mena le peuple d’Israël de l’Égypte à la Terre Promise, Moïse éleva le serpent d’airain au désert. Or, si l’un des serpents du désert mordait un homme et que celui-ci regardait vers le serpent d’airain, il vivait! (Nb 21, 6-9). Le signe qu’était le serpent d’airain annonçait une autre élévation : ‘Ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l’homme — dit Jésus qui parle ici de son érection sur la Croix — afin que tout homme qui croit ait par lui la vie éternelle’’ (Jn 3, 14-15). La Croix: non plus le signe annonciateur, mais la réalité même du salut!»[1]
Jésus veut donc introduire Nicodème à des mystères qui le dépassent; cela ne va pas sans difficulté, et nous nous rappelons l’étonnement du maître de la Loi, par deux fois: «Comment un homme peut-il naître, étant vieux ? […] Comment cela peut-il se faire?» (Jn 3,4.9). L’intelligence de cet homme est déroutée, malgré toute sa science, ou à cause d’elle ; Jésus est énergique et lui adresse un reproche direct: «Tu es Maître en Israël, et ces choses-là, tu ne les saisis pas?» (v.10). Une certaine humiliation est infligée à Nicodème, mais elle ne l’a pas éloigné du Christ, puisque nous le retrouverons à la fin de l’évangile: cette humiliation aura produit son fruit dans son âme, l’introduisant au mystère de la Croix. Le bienheureux Marie-Eugène le décrit ainsi:
«Le coup est direct, presque dur, donné par un homme sans lettres à un docteur de la Loi. Nicodème l’accepte sans protester. Il écoute maintenant et il comprend. L’humiliation a ouvert son intelligence et par cette blessure bienfaisante Jésus verse à flots la lumière […]. Mystère de l’Incarnation et mystère de la Rédemption sont révélés à Nicodème en ces premiers mois de la prédication de Jésus, alors que tous les autres ignorent. Nicodème a compris. Il se souviendra et, au jour où se réalisera le drame du Calvaire, tandis que les apôtres auront fui devant le mystère de la croix, lui-même vaillamment sortira de l’ombre et apportant «une centaine de livres d’un mélange de myrrhe et d’aloès» se joindra à Joseph d’Arimathie pour rendre les suprêmes devoirs au divin crucifié.»[2]
En écoutant les paroles de Jésus sur la Croix et sur la Rédemption, nous pouvons suivre la même progression que Nicodème en saisissant le sens des concepts utilisés par le Christ, comme la Lumière ou le Jugement, et en adhérant à son message de salut; mais notre intelligence ne peut en saisir le sens ultime. Une certaine insatisfaction persiste. Le mystère de la Croix est d’une telle grandeur que toute notre vie sera un parcours, dans l’obscurité et sous la direction de l’Esprit, pour rejoindre le Crucifié.
Ce dimanche, l’évangile nous ouvre une piste de méditation pour avancer un peu plus sur le chemin: le mystère des ténèbres dans l’histoire, car «la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière» (v.19). Nous allons la suivre en deux étapes: mystère de l’histoire et de nos vies lorsque les événements nous sont contraires, mystère des ténèbres du péché face à la lumière du Christ. Nous découvrirons enfin que cette piste débouche sur l’extraordinaire promesse de la vie éternelle.
L’histoire à la lumière de la foi
La première lecture nous plonge dans l’épopée troublée d’Israël, autour de l’exil, et nous invite à la réflexion sur le sens parfois incompréhensible de l’histoire et de la vie. «Il n’y eut plus de remède à la fureur grandissante du Seigneur contre son peuple… […] Le Seigneur inspira Cyrus, roi de Perse» (2Ch 36). Comment comprendre la valeur théologique de ces expressions? Ne semblent-elles pas attribuer à Dieu ce qui n’est que très humain?
Une vision pragmatique des événements, conforme à notre mentalité moderne, pourrait être la suivante: le royaume de Juda était un petit peuple qui avait osé se rebeller contre Babylone, la superpuissance de l’époque, et a reçu le salaire de son affront. L’empire perse, qui lui succède sous la conduite géniale de Cyrus, a adopté une politique de syncrétisme religieux pour maintenir en paix la multitude des peuples qui l’habitent. Le retour d’exil s’inscrit naturellement dans cette page de l’histoire universelle, n’y cherchons pas d’intervention miraculeuse… C’est vrai, d’un certain point de vue, mais ce n’est pas l’explication retenue par la première lecture.
En effet, le texte des Chroniques nous rappelle que Nabuchodonosor, avec sa cruauté destructrice, et Cyrus, le «souverain éclairé», sont tous deux soumis à la Providence divine. Ils en sont des instruments, l’un pour le châtiment, l’autre pour l’accomplissement des prophéties : c’est ainsi que l’auteur des Chroniques arrive à concilier la transcendance du Dieu d’Israël, le néant des dieux des nations, l’élection du Peuple et les vicissitudes de l’histoire. Le Catéchisme formule cela comme suit:
«Ainsi voit-on l’Esprit Saint, auteur principal de l’Écriture Sainte, attribuer souvent des actions à Dieu, sans mentionner des causes secondes. Ce n’est pas là ‘une façon de parler’ primitive, mais une manière profonde de rappeler la primauté de Dieu et sa Seigneurie absolue sur l’histoire et le monde et d’éduquer ainsi à la confiance en Lui. La prière des Psaumes est la grande école de cette confiance (cf. Ps 22 ; 32 ; 35 ; 103 ; 138…).»[3]
Le croyant sait que Dieu est provident, qu’il utilise les causes secondes, souvent cachées voire paradoxales, pour parvenir à ses fins. Le célèbre évêque de Meaux, Bossuet, a longuement décrit ce phénomène dans son Discours sur l’histoire universelle. Sa conclusion, adressée au Dauphin, est admirable :
«Souvenez-vous, Monseigneur, que ce long enchaînement des causes particulières, qui font et défont les empires, dépend des ordres secrets de la divine Providence. Dieu tient du plus haut des cieux les rênes de tous les royaumes; il a tous les cœurs en sa main: tantôt il retient les passions, tantôt il leur lâche la bride; et par là il remue tout le genre humain. Veut-il faire des conquérants: il fait marcher l’épouvante devant eux, et il inspire à eux et à leurs soldats une hardiesse invincible. Veut-il faire des législateurs: il leur envoie son esprit de sagesse et de prévoyance; il leur fait prévenir les maux qui menacent les Etats, et poser les fondements de la tranquillité publique. Il connaît la sagesse humaine, toujours courte par quelque endroit; il l’éclaire, il étend ses vues, et puis il l’abandonne à ses ignorances: il l’aveugle, il la précipite, il la confond par elle-même: elle s’enveloppe, elle s’embarrasse dans ses propres subtilités, et ses précautions lui sont un piège.» [4]
L’Histoire sainte nous offre donc une première leçon: la confiance dans le Seigneur. Lorsque le Peuple d’Israël la perd, il transforme les dons divins en idoles: le serpent d’airain, la ville de Jérusalem au temps de Jérémie, la Loi elle-même. Une leçon pour notre époque troublée: les empires semblent être sur le point de tomber, les idoles se multiplier, le jugement des législateurs plonger dans les ténèbres. Beaucoup d’appuis humains et de certitudes se sont peut-être effondrés dans notre propre vie.
En dépit de tout cela, nous savons que Dieu garde l’histoire dans le creux de sa main. Le Christ a vaincu le monde, et quoi qu’il arrive dans nos existences, nous sommes invités à croire que rien n’échappe à son pouvoir. Il aura le dernier mot, et son plan s’amour s’accomplira. Un psaume l’exprime très bien:
«Dieu est pour nous refuge et force, secours dans la détresse, toujours offert. Nous serons sans crainte si la terre est secouée, si les montagnes s’effondrent au creux de la mer; ses flots peuvent mugir et s’enfler, les montagnes, trembler dans la tempête: Il est avec nous, le Seigneur de l’univers; citadelle pour nous, le Dieu de Jacob!» (Ps 46, 2-4)
Nous doutons parfois que Dieu soit présent, qu’il dirige nos vies; nous avons la tentation de reprendre tout en mains nous-mêmes. Nous sommes invités par les textes de ce jour à renouveler notre confiance en Dieu, en regardant vers le Seigneur crucifié. Nous pouvons lui dire que nous croyons fermement en lui: au-delà des apparences décevantes et douloureuses de ce monde, nous croyons fermement qu’il est présent, qu’il a vaincu le monde par sa Croix et qu’il nous sauvera.
Face aux morsures des serpents, Moïse a institué un remède très étonnant qui pourrait faire sourire nos mentalités rationalistes: regarder un objet en bronze, au lieu de prendre des dispositions humaines pour tenter d’extraire le poison. Sommes-nous comme les Hébreux qui fixent leur regard sur le serpent avec foi, ou bien cherchons-nous à nous réformer et à nous sauver par nous-mêmes?
C’est pourquoi la liturgie nous invite constamment à la confiance, à supplier le Seigneur de nous maintenir dans la lumière du Christ, et d’écarter de nous toutes les idoles. Nous ne mettons notre espérance qu’en lui, et non dans nos œuvres; nous lui offrons simplement le sacrifice qu’Il nous demande de lui offrir, le seul qui est digne de lui, la messe, et nous lui demandons de savoir l’offrir dignement:
«Seigneur, nous te présentons dans la joie le sacrifice qui sauve notre vie, et nous te prions humblement: accorde-nous de le célébrer avec respect et de savoir l’offrir pour le salut du monde. Par Jésus…» [5]
Jésus face aux ténèbres
Cette confiance, cet abandon dans le Seigneur peut être mis à dure épreuve par un autre mystère qui se déploie dans l’histoire humaine: le péché, ces ténèbres que Jésus oppose à la lumière dans son dialogue avec Nicodème. «Celui qui fait le mal déteste la lumière… » (v.20): une réalité scandaleuse, dont le siècle passé a donné d’abondants exemples, cruels et déroutants par leur amplitude.
Mais le Christ ne veut pas que Nicodème soit simplement dérouté par le mystère qu’Il lui révèle: il lui fournit aussi les clés conceptuelles pour qu’il l’accueille dans la foi. Nous pouvons imaginer Nicodème dans les chapitres suivants de l’évangile, par exemple lorsqu’il assiste à la confrontation entre le miracle de Jésus sur l’aveugle-né et la mauvaise foi des Pharisiens (chap. 9). Il verra concrètement cet affrontement entre la Lumière qu’est le Christ et les ténèbres des cœurs endurcis…
Deux pôles animent le discours du Christ: la miséricorde d’une part, car «Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé»; la justice d’autre part car «la lumière est venue dans le monde et les hommes ont préféré les ténèbres». Ces deux pôles ne sont toutefois pas à opposer. La miséricorde élargit et dépasse la justice. Le monde entier est sous le coup du jugement, et nous tous aussi, car Dieu est infiniment saint et nous sommes pécheurs: «n’entre pas en jugement avec ton serviteur; aucun vivant n’est juste devant toi» (Ps 143).
Mais Dieu envoie la miséricorde qui «se moque du jugement» (Jc 2, 13), pour que nous échappions aux conséquences du jugement. La miséricorde est ainsi, comme l’a dit Jean-Paul II dans Mémoire et Identité, l’extrême limite imposée au mal:
«Ce fut comme si le Christ avait voulu révéler que la limite imposée au mal, dont l’homme est l’auteur et la victime, est en définitive la Divine Miséricorde. Certes, en elle, il y a aussi la justice, mais celle-ci ne constitue pas à elle seule l’ultime parole de l’économie divine dans l’histoire du monde et dans l’histoire de l’homme. Dieu sait toujours tirer le bien du mal, Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et puissent parvenir à la connaissance de la vérité: Dieu est Amour. Le Christ crucifié et ressuscité, tel qu’il est apparu à sœur Faustine, est la suprême révélation de cette vérité.» [6]
Le mal est ainsi présenté dans son pouvoir extraordinaire de faire échec à l’amour de Dieu, et dans sa limitation par l’œuvre miséricordieuse du Fils. Le pape Pie XII, en présentant la dévotion au Sacré Cœur, l’a expliqué ainsi:
«Ainsi le divin Rédempteur […] a été sans contredit l’auteur de cette conciliation admirable réalisée entre la divine justice et la divine miséricorde qui constitue le mystère transcendant de notre salut. Le Docteur Angélique en parle en ces termes: il faut dire qu’il convenait à sa miséricorde et à sa justice de délivrer l’homme par la Passion du Christ. À sa justice, d’une part, parce que, par sa Passion, le Christ a satisfait pour le péché du genre humain; et ainsi, par la justice du Christ, l’homme a été libéré. À sa miséricorde, d’autre part, parce que, du fait que l’homme ne pouvait lui-même satisfaire pour le péché de l’humanité tout entière, Dieu lui a fait don dans son Fils d’un Rédempteur. Et ce fut le fait d’une miséricorde plus abondante que s’il avait pardonné les péchés sans satisfaction.» [7]
Prendre la Croix dans nos vies
Tout au long de la vie publique de Jésus, Nicodème gardera dans son cœur ces paroles du Maître: elles porteront tout leur fruit au moment de la Passion quand il recevra pleinement la foi et rendra courageusement hommage au Crucifié. Il comprendra alors pleinement le mystère de l’amour de Dieu.
«De même que le serpent de bronze…»: Jésus, en effet, ne dénonce pas seulement le péché dans son dialogue nocturne, il annonce qu’il va le prendre sur lui pour nous en sauver. Saint Augustin nous l’explique:
«Que représentent les serpents qui mordent? Ils évoquent les péchés qui proviennent de la mortalité de la chair. Et quel est le serpent qui est élevé? Le Seigneur mort en croix: en effet, comme la mort est venue par le serpent, elle a été figurée par une effigie de serpent. La morsure du serpent donne la mort, la mort du Seigneur donne la vie. […] De même que ceux qui, jadis, regardaient le serpent ne mouraient pas des morsures des serpents, ainsi ceux qui regardent par la foi la mort du Christ sont guéris des morsures des péchés. Ils étaient guéris de la mort pour jouir d’une vie temporelle, mais le Christ affirme ici: pour qu’ils aient la vie éternelle.»[8]
Si nous échappons au jugement par la foi (Jn 3, 18), c’est parce que le Christ a fait encore plus que mourir par amour pour nous: il a pris sur lui le jugement et le châtiment qui pesaient sur nous. L’image du serpent le manifeste clairement: Jésus, complètement étranger au mal, prend en quelque sorte le visage du péché – le serpent – et Paul peut écrire: «Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a fait péché pour nous» (2 Cor 5, 21).
La foi nous ouvre le mystère de la Croix, par lequel toute notre existence est renouvelée. Nous sommes invités à l’accueillir. Comment?
En prenant d’abord conscience du mal dans nos vies. Ainsi, le pape François, en s’adressant à des couples dans une messe de mariage, a souligné que de nombreux serpents – péchés, tentations – surgissent dans la vie conjugale «lorsque la vie quotidienne devient pesante, parfois même ‘écœurante’». Que faire alors?
«Le remède que Dieu offre au peuple [dans le désert] vaut aussi, en particulier, pour les époux qui “ne supportent pas le chemin” et sont mordus par les tentations du découragement, de l’infidélité, de la régression, de l’abandon… À eux aussi, Dieu le Père donne son Fils Jésus, non pour les condamner, mais pour les sauver: s’ils se confient à lui, il les guérit par l’amour miséricordieux qui surgit de sa croix, par la force d’une grâce qui régénère et remet en chemin, sur la route de la vie conjugale et familiale.» [9]
Nous sommes par ailleurs appelés à ne pas fermer les yeux sur les croix qui nous entourent, et à accompagner nos frères dans l’épreuve pour témoigner de la présence du Christ au cœur de la souffrance: il a pris sur lui toutes nos croix.
Le Seigneur nous invite aussi à accepter généreusement les souffrances et contrariétés qui nous frappent et à les offrir en union avec lui. Elles portent un fruit que nous ne soupçonnons pas.
Enfin, au lieu de nous scandaliser, le Christ nous invite à porter, avec lui, même si nous sommes innocents, le péché d’autrui. S’ouvre alors toute une spiritualité de l’expiation, de la souffrance rédemptrice… qui est à la base de la dévotion au Sacré Cœur.
Désirer la vie éternelle
La Croix n’est pas l’ultime parole de Dieu. Elle est le chemin vers la résurrection et la vie: «… afin que quiconque croit en lui ne se perde pas mais obtienne la vie éternelle». Elle est aussi le chemin vers l’union avec Dieu: «et moi quand j’aurais été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes» (Jn 12, 32). Saint Jean continuera à développer ce thème tout au long de son évangile, notamment lors de la Cène: «la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ» (Jn 17,3).
En effet, nous n’avons pas seulement l’espérance d’être libérés de nos fautes et sauvés de la mort, mais d’être unis à Dieu dans un amour sans fin. C’est ce qui sépare le serpent de bronze de la Croix. Les Hébreux ne voyaient que le reflet de leur propre péché, le serpent, réduit à néant; mais sur la Croix, nous voyons beaucoup plus: nous contemplons le visage de l’Aimé, qui nous conduit vers l’amour infini dont nous vivrons avec le Père pour toute l’éternité. Laetare… Nous pouvons nous réjouir d’avance avec Bossuet:
«La vie bienheureuse est d’être avec lui dans la gloire de Dieu son Père: la vie bienheureuse est de voir la gloire qu’il a dans le sein du Père dès l’origine du monde: la vie bienheureuse est que Jésus-Christ soit en nous comme dans ses membres, et que l’amour éternel que le Père a pour son Fils s’étendant sur nous, il nous comble des mêmes dons: la vie bienheureuse, en un mot, est de connaître le seul vrai Dieu, et Jésus-Christ qu’il a envoyé; mais le connaître de cette manière qui s’appelle la claire vue, la vue face à face et à découvert, la vue qui réforme en nous et y achève l’image de Dieu, selon ce que dit saint Jean, ‘que nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est’ (1Jn 3,2). Cette vue sera suivie d’un amour immense, d’une joie inexplicable, et d’un triomphe sans fin. Un Alleluia éternel, et un Amen éternel, dont on entend retentir la céleste Jérusalem, font voir toutes les misères bannies, et tous les désirs satisfaits; il n’y a plus qu’à louer la bonté divine.» [10]
[1] saint Jean-Paul II, Homélie, 25 mars 1979.
[2] Père Marie-Eugène de l’Enfant Jésus, ocd, Je veux voir Dieu, éditions du Carmel, p. 339.
[4] Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, partie III (les Empires), chap. VIII (conclusion), Pléiade pp. 1024-1025.
[5] Prière sur les offrandes de la messe du jour.
[6] Saint Jean-Paul II, Mémoire et identité, Flammarion 2005, p. 70.
[7] Pie XII, encyclique Haurietis Aquas (1956), nº20.
[8] Saint Augustin, Traité sur saint Jean, XII, 11 (In Œuvres complètes de Saint Augustin traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Poujoulat et de M. l’abbé Raulx, Bar-Le-Duc 1864, aux tomes X et XI), disponible ici.
[9] Pape François, homélie du 14 septembre 2014.
[10] JB Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, Pléiade p. 847.