« Envoi en mission » : nous imaginons ce petit groupe de disciples groupés autour du Maître, écoutant avec ardeur ses instructions, prêts à se lancer dans la propagation de son message, conscients de vivre un moment unique…
Jésus nous parle de son Père, et du désir qu’il partage avec lui de voir enfin se réaliser cette moisson des âmes qui viendront les rejoindre au Ciel pour l’éternité… L’évangile de Jean nous rapporte cette exclamation de Jésus dans l’épisode de la Samaritaine : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et de mener son œuvre à bonne fin. Ne dites-vous pas : Encore quatre mois et vient la moisson ? Eh bien ! je vous dis : Levez les yeux et regardez les champs, ils sont blancs pour la moisson » (Jn 4,34-35).
Au chapitre 12 de son évangile, Luc rapporte une autre parole de Jésus : « je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » (Lc 12, 49).
Commençons par mesurer l’ardeur de ce désir de Dieu pour les âmes. Ce n’est pas un peu de consolation, de paix et d’amitié humaine que Jésus est venu apporter, c’est un feu qui embrase les cœurs de charité, de foi, d’espérance, à l’image du feu d’amour qui anime la Trinité. Sommes-nous, au moins par moments, vraiment embrasés de ce feu ? Si ce n’est pas le cas, demandons-le.
L’expression « envoi en mission » est bien plus qu’un slogan ou un mot d’ordre : elle dévoile l’être profond de Jésus, que le Père a envoyé pour le salut, et pour devenir la tête d’un corps immense de croyants grâce à l’action de missionnaires qui prolongeront son ministère. C’est en effet à nous, croyants, que Jésus a confié ce feu qui lui brûlait l’âme pour que nous en embrasions le monde entier. Le Catéchisme nous donne une présentation synthétique de ce mystère :
« Jésus est l’Envoyé du Père. Dès le début de son ministère, il ‘appela à lui ceux qu’il voulut, et il en institua Douze pour être avec lui et pour les envoyer prêcher’ (Mc 3, 13-14). Dès lors, ils seront ses ‘envoyés’ (ce que signifie le mot grec apostoloi). En eux continue sa propre mission : ‘Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie’ (Jn 20, 21 ; cf. 13, 20 ; 17, 18). Leur ministère est donc la continuation de sa propre mission : ‘Qui vous accueille, m’accueille’, dit-il aux Douze (Mt 10, 40 ; cf. Lc 10, 16). Jésus les unit à sa mission reçue du Père : comme le Fils ne peut rien faire de Lui-même (Jn 5, 19. 30), mais reçoit tout du Père qui l’a envoyé, ainsi ceux que Jésus envoie ne peuvent rien faire sans Lui (cf. Jn 15, 5) de qui ils reçoivent le mandat de mission et le pouvoir de l’accomplir. Les apôtres du Christ savent donc qu’ils sont qualifiés par Dieu comme ministres d’une alliance nouvelle (2 Co 3, 6), ministres de Dieu (2 Co 6, 4), en ambassade pour le Christ (2 Co 5, 20), serviteurs du Christ et dispensateurs
Lorsque nous lisons l’histoire de l’Église, nous constatons que ce sont souvent les Saints qui, malgré leur nombre limité et la faiblesse de leurs moyens, contribuent le plus à l’évangélisation. L’œuvre de François d’Assise, François de Sales, Vincent de Paul ou Don Bosco est considérable. Pour autant, nous ne devons pas en tirer la conclusion erronée que les missionnaires sont nécessairement des hommes rares et exceptionnels. Non, les saints d’aujourd’hui, c’est nous, si nous y consentons. Nous ne pouvons pas être chrétiens en nous contentant d’être émerveillé, de loin, par ce que font les meilleurs parmi nous. Le Christ nous envoie tous annoncer le Royaume et cela doit nous enthousiasmer. Un grand formateur d’apôtres, saint Vincent de Paul, disait ceci :
« L’Église est comparée à une grande moisson qui requiert des ouvriers, mais des ouvriers qui travaillent. Il n’y a rien de plus conforme à l’Évangile que d’amasser, d’un côté, des lumières et des forces pour son âme dans l’oraison, dans la lecture et dans la solitude, et d’aller ensuite faire part aux hommes de cette nourriture spirituelle. C’est faire comme notre Seigneur a fait, et, après lui, ses apôtres ; c’est joindre l’office de Marthe à celui de Marie ; c’est imiter la colombe, qui digère à moitié la pâture qu’elle a prise et puis met le reste par son bec dans celui de ses petits pour les nourrir. Voilà comme nous devons faire, voilà comme nous devons témoigner à Dieu par nos œuvres comme nous l’aimons. Toute notre tâche consiste à passer aux actes. » [1]
Alors, comment accomplir cette mission ? Les textes d’Isaïe et de Luc nous offrent aujourd’hui des indications précises sur ce que doit être l’Église et la mission, selon le cœur de Dieu.
L’Église, lieu de la présence de Dieu
La première lecture (Isaïe 66) parle d’abord de la restauration de Jérusalem et de sa glorification à la fin des temps, mais elle nous dit aussi ce que doit être l’Église, la communauté chrétienne, aujourd’hui : le lieu par excellence de la présence de Dieu. Nous aimons l’Église de tout notre cœur, cette Église concrète que nous connaissons, en suivant l’explication du père de Lubac :
« Il n’y a pas de christianisme privé, et pour accepter l’Église, il faut la prendre telle qu’elle est, dans sa réalité humaine et quotidienne aussi bien que dans son idée éternelle et divine, car en droit comme en fait la dissociation est impossible. Pour aimer l’Église, il faut, toute répugnance vaincue, l’aimer dans sa tradition massive et s’enfoncer, si l’on peut dire, dans sa vie massive, comme le grain s’enfonce dans la terre. Il faut pareillement renoncer au poison subtil des mystiques et des philosophies religieuses qui voudraient tenir lieu de sa foi, ou qui s’offriraient à la transposer. Telle est la manière catholique de se perdre pour se trouver. Sans cette médiation ultime, le mystère du salut de peut nous atteindre et nous transfigurer. Il faut pousser jusqu’au bout la logique de l’Incarnation, par quoi la divinité s’adapte à la faiblesse humaine. Pour posséder le trésor, il faut tenir le ‘vase d’argile’ qui le porte (cf. 2Cor 4,7), et hors duquel il s’évapore. » [2]
Je vous propose de reprendre maintenant les principaux éléments de la description si belle d’Isaïe.
« Réjouissez-vous dans Jérusalem ! » La communauté chrétienne est avant tout le lieu de la Bonne Nouvelle qui engendre la joie. Pour cela, il faut qu’il y ait simplicité, communion fraternelle et vrai partage de la seule vérité qui compte : Dieu nous aime et nous a sauvés en son Fils Jésus-Christ ressuscité des morts. En Occident, beaucoup de paroisses et de communautés religieuses sont, hélas, devenus des lieux tristes où sont juxtaposées des existences qui ne se croisent plus, des personnes qui ne se connaissent pas réellement et ne partagent pas vraiment cette bonne nouvelle. Les conventions et différences sociales, les masques, les rites, y règnent parfois comme dans n’importe quelle autre institution humaine. Toutes sortes d’activités sympathiques se créent qui ne sont plus directement basés sur cette vérité que le Christ est la vigne et nous les sarments. La joie d’être au Christ ne s’y manifeste plus toujours. Quelle place pour la louange et l’action de grâce, pour se réjouir ensemble d’être aimés et sauvés ? Pour le partage en vérité de ce que Dieu fait dans la vie de chacun en vue d’édifier l’ensemble du Corps ?
« Vous serez nourris de son lait (…) vous serez nourris, portés sur la hanche ». L’Église, la communauté est là pour nourrir ceux qui l’habitent pour les faire grandir dans la foi et aussi pour les soutenir surtout s’ils sont faibles. Heureusement, les initiatives se multiplient en paroisses pour former et enseigner les enfants, les jeunes, les couples, les nouveaux croyants, ou les fidèles de tous âges souhaitant approfondir leur foi. Mais qu’en est-il des périphéries, chères au Pape François, des zones rurales où la pratique et la connaissance de la parole s’est diluée et affaiblie, des banlieues, des prisons, de nos quartiers ordinaires où le Christ n’est plus annoncé ?
« Vous serez choyés sur ses genoux…vous serez consolés… vos os revivront comme l’herbe reverdit. » La communauté est également le lieu de la révélation de l’amour, de la tendresse de Dieu, de sa puissance de résurrection. Comment vivons-nous la charité simple avec ceux que nous côtoyons à la Messe, à l’office ? Cherchons-nous à les connaître, à partager leurs joies et leurs peines ? Au-delà de la disponibilité de nos prêtres, et de certains laïcs engagés, sommes-nous disponibles pour visiter les malades, les personnes seules, en difficulté, et prier avec elles, en missionnaires de l’amour de Dieu ? Le sacrement des malades est-il proposé individuellement à la demande et pas seulement pour les mourants et malades incurables ?
Nous savons aussi que dans les décennies passées, l’Église, loin d’être cet asile de paix et de charité, est devenue parfois tout l’inverse : un lieu de cauchemar et de destruction pour les plus faibles parmi nous dont beaucoup n’ont jamais pu se relever et guérir, sous le regard complice d’une hiérarchie incrédule ou indifférente. C’est un scandale immense qui crie vers Dieu. Nous n’en sommes pas tous responsables mais dans ces lieux-là, l’institution a cessé d’être l’Église et a failli à sa mission. Que faisons-nous pour réparer ce péché, non pas seulement dans des commissions spécialisées, ce qui est très bien, mais dans ces lieux-mêmes ou les ténèbres ont régné, en demandant pardon, en accueillant et en priant pour ces personnes et en exigeant la lumière sur tout ce qui s’est passé ? Ces personnes sont le Christ, outragé et torturé, et méritent la première place dans nos assemblées.
« Vous goûterez avec délices à l’abondance de sa gloire… voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve … le Seigneur fera connaître sa puissance à ses serviteurs. » Les communautés de vie chrétienne, et en particulier les paroisses sont les lieux où Dieu peut se manifester, non pas seulement par la fraternité qui est essentielle, mais par l’expérience de sa propre présence. Elles doivent être des lieux de rencontre avec lui. Depuis plusieurs décennies, dans les grandes villes, la beauté des cérémonies est redevenue un grand souci ; l’adoration eucharistique est proposée et le sacrement du pardon est facilement accessible. En profitons-nous ?
D’autres zones sont moins riches : les ADAP ou ADAL [3] remplacent fréquemment la Messe, essayant de maintenir le goût de la présence de Dieu. Recevoir le sacrement de réconciliation est devenu compliqué. L’adoration n’est pas proposée. La prière de louange en commun n’existe pas et la foi flanche nécessairement, n’attirant plus les jeunes.
Regardons la communauté, la paroisse, l’institution, le diocèse, auxquels nous appartenons et demandons-nous sincèrement si elle correspond vraiment à la description d’Isaïe 66 lue aujourd’hui : joie, enseignement de la parole, consolation, paix, expérience de Dieu. Si ce n’est pas le cas, le Seigneur nous appelle certainement à faire bouger les lignes et il nous en donnera les moyens, chacun à notre niveau, prêtre, consacré ou simple laïc. Soyons audacieux avec le Saint-Esprit.
Nous sommes tous appelés à faire partie des 72, et à assumer notre part dans la mission. Peut-être cela nous fait-il peur de devenir « des agneaux au milieu des loups » ? Le saint du Sacré Cœur, Claude la Colombière, a lui aussi ressenti l’angoisse devant les charges missionnaires qui lui étaient confiées, notamment en Angleterre, tant elles étaient délicates. Il a écrit cette belle prière que nous pouvons adopter :
« Je suis résolu de ne donner point de bornes à ma confiance et de l’étendre à toutes choses. Il me semble qu’à l’avenir je me dois servir de notre Seigneur comme d’un bouclier qui m’environne et que j’opposerai à tous les traits de mes ennemis. Vous serez donc ma force, ô mon Dieu ! Vous serez mon guide, mon directeur, mon conseil, ma patience, ma science, ma paix, ma justice et ma prudence. J’aurai recours à Vous dans mes tentations, dans mes sécheresses, dans mes dégoûts, dans mes ennuis, dans mes craintes, ou plutôt, je ne veux plus craindre ni les illusions, ni les artifices du démon, ni ma propre faiblesse, ni mes indiscrétions, ni même ma défiance ; car Vous devez être ma force dans toutes mes croix ; Vous me promettez que Vous le serez à proportion de ma confiance, et, ce qui est admirable, ô mon Dieu ! C’est qu’en même temps que Vous mettez cette condition, il me semble que Vous me donnez cette confiance. Soyez éternellement aimé et loué de toutes les créatures, ô mon très aimable Seigneur ! Amen. »[4]
La mission selon le cœur du Christ
Nous connaissons bien ce texte de l’envoi en mission des soixante-douze. La plupart du temps il nous émerveille. Dieu fait des choses très étonnantes et établit son règne. Nous voyons, en effet, les disciples revenir tous joyeux après avoir accompli des signes, des guérisons, des conversions et même des exorcismes. Une époque bénie des débuts de l’Église dont nous lisons le prolongement dans les Actes des Apôtres. Une certaine nostalgie peut alors s’emparer de nous. En ces temps-là Dieu agissait puissamment et des conversions et signes étonnants se produisaient…
Mais Dieu a-t-il changé ? Nous demande-t-il autre chose aujourd’hui de ce qu’il demandait hier à ses premiers disciples ? La réponse est bien sûr : non. Aujourd’hui comme hier, Jésus nous propose la même mission enthousiasmante : nous dépouiller pour annoncer la parole de Dieu en vivant sincèrement la rencontre, non comme des démarcheurs mais comme des frères, en appelant la paix sur les personnes, en guérissant les malades, en chassant les démons, et accomplissant des miracles. En Matthieu, Jésus est encore plus explicite :
« Proclamez que le Royaume des Cieux est tout proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons. Donner gratuitement . » (Mt 10, 7-8)
Dans la première Lettre aux Corinthiens, au chapitre 12, Paul évoque les charismes des premières églises : langage de la sagesse de Dieu, don de science, don de foi, prophétie, don de guérison, de faire des miracles, de discerner les esprits, parler en langues…
Que sont devenus ces dons ? Qu’en avons-nous fait ? Nous considérons souvent qu’ils sont l’apanage ou bien d’une époque révolue, ou bien de quelques grands saints. Jésus n’a pas du tout dit cela. Il a dit aux disciples d’hier et d’aujourd’hui, dans l’évangile que nous lisons aujourd’hui : « je vous ai donné le pouvoir d’écraser les serpents et les scorpions, et sur toute la puissance de l’ennemi : absolument rien ne pourra vous nuire ».
Après sa résurrection, Jésus réitère l’appel à la mission :
« Allez dans le monde entier. Proclamez l’ É vangile à toute la création. Celui qui croira sera baptisé et sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné. Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : en mon nom, ils expulseront les démons ; ils parleront en langues nouvelles ; ils prendront des serpents dans leurs mains et s’ils boivent un poison mortel, il e leur fera aucun mal ; ils imposeront les mains aux malades et les malades s’en trouveront bien » (Mc 16, 15-18).
Cette mission et ses dons sont notre héritage de baptisés mais y croyons-nous encore ? Dans le vaste « Renouveau charismatique », des chrétiens – protestants d’abord puis catholiques – se sont mis à y croire à nouveau, ils touchent les cœurs, consolent et convertissent, ils accomplissent même des guérisons et renversent des situations humaines insolubles. Pierre Goursat, fondateur de l’Emmanuel, parlait ainsi de sa première rencontre avec ce phénomène :
« De cette effusion de l’Esprit ne pourrait-on dire que c’est une grâce spéciale donnée à un moment dramatique de la vie de l’Église, où le démon est tellement déchaîné et ses forces si bien organisées que l’on ne voit plus humainement comment les efforts des chrétiens pourraient aboutir. La plupart des chrétiens et des membres de l’Église paraissent désemparés et les plus fidèles sont frappés de stupeur. » [5]
Depuis le début du XXe siècle, le mouvement du Renouveau a permis de redécouvrir cet élan missionnaire et la puissance des charismes. Il a éclos chez les Pentecôtistes puis a gagné l’Église catholique et a renouvelé de nombreuses paroisses et communautés. Il imprègne maintenant la vie de l’Église. Mais ce n’est pas encore assez. Nous devons tous devenir missionnaires. Pour cela, une seule chose est requise : la foi. En Luc 18, en parlant de la veuve importune et du juge, Jésus le dit très explicitement : « et Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui, jour et nuit ? Les fait-il attendre ? Je vous le déclare : bien vite il leur fera justice. Cependant le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Lc 18, 8). Nous devons puiser à nouveau dans cet héritage et entendre la voix du Christ nous dire de quelle puissance il nous a revêtus.
« Ils revinrent tout joyeux » : au-delà de la simple émotion des exorcismes et guérisons miraculeuses, la joie des soixante-douze lors de leur retour participe d’un mystère beaucoup plus grand, comme le montrent les paroles de Jésus : « Je regardais Satan tomber du ciel comme l’éclair ». Cette expression saisissante indique que Jésus voit son Règne s’établir aux dépens de l’Adversaire, qu’il jubile de ce retournement de situation, car l’humanité est enfin libérée du joug inique qui la faisait tant souffrir. Il peut montrer aux incrédules non seulement ses œuvres de libération, mais désormais aussi celles de ses disciples : « si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le Royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous » (Lc 11,20).
Mais le Christ indique aussi quel est le fondement ultime de la joie chrétienne : « Réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux » (v.20), une image reprise dans l’Apocalypse de Jean : « Le vainqueur sera donc revêtu de blanc ; et son nom, je ne l’effacerai pas du livre de vie, mais j’en répondrai devant mon Père et devant ses Anges » (Ap 3,5). Cela signifie que la joie des apôtres participe, en dernière instance, de la joie même de Dieu : c’est la joie du salut. Jésus se réjouit de voir les hommes participer de sa plénitude et leur communique sa joie elle-même. Monsieur Olier, un mystique du XVIIe siècle décrivait ainsi ce mystère :
« Les justes se doivent réjouir en Dieu de la gloire qu’il reçoit en lui-même et par lui-même ; et ceux qui vivent dans la droiture et justice doivent prendre part à sa gloire, sa joie et sa béatitude. Dieu en lui-même se loue et se glorifie en son Verbe et par son Verbe ; et quoiqu’il le fasse nécessairement, il le fait si librement et amoureusement, et le fait avec autant de joie, de douceur et de béatitude que s’il le faisait par son choix. Ses œuvres sont si justes, et si bien réglées, que pour se donner la paix et la félicité il n’est pas besoin de propre choix et liberté, qui en nous nous donne sa joie. Dieu produit nécessairement son Verbe et sa louange, et le fait avec pleine béatitude. Cette louange en lui ne peut être appelée justice, sinon en tant que toute l’opération de Dieu est toute vertu et toute perfection. » [6]
Nous pouvons, en conclusion de cette méditation, reprendre la prière de Jean XXIII, à la veille du Concile Vatican II. Elle est toujours d’actualité :
« Ô Esprit de Dieu qui, envoyé par le Père au nom de Jésus, assiste et guide l’ Église, répands sur le Concile œcuménique la plénitude de tes dons.
Ô doux maître et consolateur, illumine l’esprit de nos évêques qui, à l’appel du Saint-Père vont se réunir en assemblée solennelle.
Fais que ce concile produise des fruits abondants ; que se répandent toujours plus la lumière et la force de l’évangile dans la société humaine ; que la religion catholique acquière une nouvelle vigueur dans son engagement missionnaire ; qu’elle parvienne à une plus profonde connaissance de la doctrine de l’ Église et à un affermissement salutaire de la vie chrétienne.
Ô doux hôte de nos âmes, confirme nos esprits dans la vérité, et dispose nos cœurs à l’obéissance, pour que les délibérations du Concile trouvent en nous un assentiment généreux et une prompte réalisation.
Nous te prions aussi pour les brebis que ne font plus partie de l’unique bergerie de Jésus-Christ, afin qu’elles puissent elles qui s’honorent du nom de chrétiens, finalement retrouver l’unité sous un seul pasteur.
Renouvelle à notre époque tes prodiges comme en une nouvelle Pentecôte ; et concède que la Sainte É glise, réunie dans une prière unanime plus intense autour de Marie, mère de Jésus, et guidée par Pierre, répande le règne du divin Sauveur, qui est règne de vérité, de justice, d’amour et de paix. » [7]
[1] Saint Vincent de Paul, Entretiens spirituels aux Missionnaires, fragment 171 (Seuil 1960 p. 908)
[3] Assemblées dominicales en l’absence de prêtre ; assemblée dominicale animée par des laïcs
[5] Pierre Goursat, Paroles, éditions de l’Emmanuel (2016), p. 31.
[6] Jean-Jacques Olier, L’âme cristal – Des attributs divins en nous, Seuil 2008, p.282.
[7] Pape Jean XXIII, Prière du 23 septembre 1958. https://giovannidarho.wordpress.com/2013/02/24/preghiera-di-giovanni-xxiii-per-il-concilio-ecumenico/ Notre traduction.