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Méditation : Se mettre en route pour accueillir le Christ

Placée au début de l’évangile, la scène de la Visitation décrit une rencontre très émouvante : il y règne un parfum de printemps spirituel, avec la fraîcheur et la beauté des commencements. Elle a probablement lieu au printemps, lorsque la vallée d’Aïn Karem resplendit des amandiers en fleurs blanches et roses. Saint Luc nous transporte dans la maison de Zacharie, pour assister à l’accolade entre Marie et Élisabeth, toutes deux enceintes. Le Salut est en train de se lever sur l’humanité comme un soleil resplendissant. Une rencontre qui comporte un double mouvement : se mettre en route (Marie) et accueillir (Élisabeth) ; une source d’inspiration pour nous en cette ultime semaine de préparation à Noël. Voici comment Benoît XVI nous invitait à entrer dans ce mouvement :

« La scène de la Visitation exprime aussi la beauté de l’accueil : là où il y a accueil réciproque, écoute, où l’on fait de la place à l’autre, Dieu est présent, ainsi que la joie qui vient de lui. Imitons Marie durant le temps de Noël, en rendant visite à ceux qui vivent des difficultés, en particulier les malades, les prisonniers, les personnes âgées et les enfants. Et imitons aussi Élisabeth qui accueille l’hôte comme Dieu lui-même : sans le désirer, nous ne connaîtrons jamais le Seigneur ; sans l’attendre, nous ne le rencontrerons pas ; sans le chercher, nous ne le trouverons pas. Avec la même joie que Marie qui se rend en hâte chez Élisabeth (cf. Lc 1, 39), allons, nous aussi, à la rencontre du Seigneur qui vient. Prions pour que tous les hommes cherchent Dieu, qu’ils découvrent que c’est Dieu lui-même qui vient nous rendre visite en premier. À Marie, Arche de l’Alliance nouvelle et éternelle, confions notre cœur, pour qu’elle le rende digne d’accueillir la visite de Dieu dans le mystère de son Noël. » Pape Benoît XVI, Angélus, 23 décembre 2012.

Se mettre en route

Marie vient de recevoir l’annonce inouïe de l’Incarnation du Sauveur. C’est en elle et par elle qu’il s’incarne, mais elle ne reste pas pour autant refermée sur elle-même. Le mystère est « en son sein », et voici qu’elle se met en route « avec empressement ». Pourquoi ? L’Ange lui avait certes donné comme signe la naissance miraculeuse de Jean, mais l’âme si fervente de Marie n’a pas besoin de confirmation. Elle part rendre service, comme la suite du texte le précisera, mais ce n’est pas tout. Portant le Seigneur en elle-même, elle est docile à l’impulsion de l’Esprit… Monsieur Olier, en expliquant la première lecture de la messe de la Visitation (un extrait du Cantique des cantiques), nous la dépeint ainsi :

« Oubliant sa faiblesse, son âge, sa délicatesse, animée du zèle de son fils, et brûlant d’ardeur pour le faire connaître, elle [Marie] court par les montagnes, elle gravit les collines, afin d’annoncer Jésus-Christ. Son admirable apostolat, dont les pas portent partout la paix et la grâce, est dépeint dans l’épître de ce jour [Ct 2]. Renfermé dans sainte Élisabeth, saint Jean, qui figurait l’Église en demandant sa sanctification, invite Jésus-Christ et Marie, désignés sous les images de la chèvre et du faon, à hâter leur course et à accomplir leur mission commune. “J’entends, dit-il, la voix de mon bien-aimé : le voici qui vient, sautant sur les montagnes, franchissant les collines” [Ct 2, 8] (dans l’ardeur qu’il a de venir à moi). “Car mon bien-aimé est semblable à la chèvre et au faon” (il court avec la même légèreté et la même vitesse). “Le voici arrivé ; le voilà qui se tient derrière notre muraille, qui regarde par les fenêtres, qui jette sa vue à travers les treillis” [v. 9]. La chèvre, qui monte au sommet des rochers, représente ici la Très Sainte Vierge gravissant dans sa course les collines et les montagnes ; et le faon exprime le Fils de Dieu qu’elle portait dans son sein. Il marche en elle, non pas à pas de géant, comme il fera dans la suite, d’après le prophète, mais semblable à un petit faon. Il est renfermé dans la Très Sainte Vierge, qui est notre muraille : il considère par son esprit, il regarde par ses yeux, comme par des treillis ; quoique ce soit Marie qui parle, Jésus-Christ emploie la parole de sa Mère, et agit lui-même par elle, comme il se sert de la parole de ses ministres pour nous sanctifier. » J.-J. Olier, Vie intérieure de la Très Sainte Vierge Marie, op. cit., p. 27.

Nous portons nous aussi le Seigneur en nous-mêmes depuis notre baptême. Comment honorons-nous cette présence ? Est-ce que nous la gardons pour nous-mêmes, en essayant d’atteindre la sainteté par une perfection individuelle de contemplation coupée du monde ? Ou bien est-ce que nous avons à cœur de l’annoncer et de la partager ? Pensons-nous que d’autres peuvent aussi nous l’annoncer et venir enrichir notre joie, comme la réponse d’Élisabeth a touché le cœur de Marie ? C’est en allant à la rencontre du Seigneur dans les autres, en particulier ceux qui ont besoin d’attention et de lumière, que nous le trouvons pleinement. Ce n’est pas à Nazareth, mais à Aïn Karem que Marie a pu chanter le Magnificat. Marie croit à la parole de l’Ange, mais celle-ci est confirmée et amplifiée par sa rencontre avec Élisabeth, comme sans doute aussi par le récit du songe de Joseph. Sainte Élisabeth de la Trinité nous la décrit ainsi comme modèle de vie intérieure :

« Il me semble que l’attitude de la Vierge durant les mois qui s’écoulèrent entre l’Annonciation et la Nativité est le modèle des âmes intérieures, des êtres que Dieu a choisis pour vivre au-dedans, au fond de l’abîme sans fond. Dans quelle paix, dans quel recueillement Marie se rendait et se prêtait à toutes choses ! Comme celles qui étaient les plus banales étaient divinisées par elle ! Car, à travers tout, la Vierge restait l’adorante du don de Dieu ! Cela ne l’empêchait pas de se dépenser au-dehors lorsqu’il s’agissait d’exercer la charité ; l’Évangile nous dit que Marie parcourut en toute diligence les montagnes de Judée pour se rendre chez sa cousine Élisabeth. Jamais la vision ineffable qu’elle contemplait en elle-même ne diminua sa charité extérieure. Car, dit un pieux auteur, si la contemplation s’en va vers la louange et vers l’éternité de son Seigneur, elle possède l’unité et ne la perdra pas. Qu’un ordre du Ciel arrive, elle se retourne vers les hommes, compatit à toutes leurs nécessités, se penche vers toutes leurs misères ; il faut qu’elle pleure et qu’elle féconde. Elle éclaire comme le feu ; comme lui, elle brûle, absorbe et dévore, soulevant vers le Ciel ce qu’elle a dévoré. Et quand elle a fait son action en bas, elle se soulève, et reprend, brûlante de son feu, le chemin de la hauteur. » Élisabeth de la Trinité, J’ai trouvé Dieu, tome Ia des Œuvres Complètes, Cerf, 1985, p. 122.

Accueillir notre frère

Alors que Marie se met en route, il revient à Élisabeth de l’accueillir. Quelles sont les caractéristiques de cet accueil, modèle pour notre vie chrétienne ? Observons le dialogue des deux femmes. C’est Marie qui parle la première en adressant son salut. Élisabeth commence par écouter attentivement la salutation. Elle écoute aussi l’écho que rencontre cette salutation au-dedans d’elle, jusque dans le cœur de son enfant. Un enseignement pour nous qui sommes souvent tentés de parler avant d’écouter, et qui n’écoutons pas toujours de manière très intérieure. Demandons la grâce d’entendre ce que la parole d’autrui nous révèle en profondeur sur lui-même, et surtout sur Dieu. Demandons la même grâce pour la prière où nous sommes souvent trop bavards. Suivons l’enseignement du cardinal Sarah, un grand homme de prière :

« Le silence est surtout l’attitude positive de celui qui se prépare à l’accueil de Dieu par l’écoute. Oui, Dieu agit dans le silence. D’où cette observation si importante du grand saint Jean de la Croix : “Le Père n’a dit qu’une parole, à savoir son Fils, et dans un silence éternel Il la dit toujours : l’âme doit L’entendre en silence.” Le livre de la Sagesse (Sg 18, 14) notait déjà, à propos de la manière dont Dieu intervint pour délivrer le peuple élu de sa captivité d’Égypte, que cette action inoubliable eut lieu pendant la nuit : “Alors qu’un silence paisible enveloppait toutes choses et que la nuit parvenait au milieu de sa course rapide, du haut des cieux, ta Parole toute-puissante s’élança du trône royal.” Plus tard, ce verset sera compris par la tradition liturgique chrétienne comme une préfiguration de l’Incarnation silencieuse du Verbe éternel dans la crèche de Bethléem. » Cardinal R. Sarah, La force du silence, Fayard, 2016, nº 271.

Élisabeth parle ensuite du signe qu’elle a reçu : « L’enfant a tressailli d’allégresse en moi. » (v. 44) Saint Luc insiste sur ce mouvement de l’enfant, un « tressaillement », qu’il mentionne deux fois (v. 41.44). Jésus utilisera le même verbe (σκιρτάω, skritaô) pour nous inviter à nous réjouir et « tressaillir d’allégresse » au milieu des persécutions (Lc 6, 23). Luc nous dit également que le Sauveur « tressaillit de joie » en voyant la révélation faite aux tout-petits (Lc 10, 21). Cela nous renvoie à la célébration eucharistique lorsqu’au début de la messe, le prêtre salue les fidèles et que ses « paroles de salutation parviennent aux oreilles » des croyants ; nos âmes peuvent alors entrer en résonance avec l’Esprit, présent dans notre cœur, et susciter une joie profonde. La rencontre entre Marie et Élisabeth devient alors l’icône de l’Église qui vient au-devant de l’âme croyante, et éveille en elle une allégresse profonde : « Le Seigneur est là ! »

Élisabeth est alors remplie de l’Esprit Saint (v. 41), qui la porte à cette louange si belle : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. » La bénédiction est la deuxième étape de l’accueil d’autrui. Bénir, c’est dire du bien de l’autre, et c’est le faire de la part du Seigneur. Nous partageons alors le regard de bienveillance du Père sur notre prochain… Dans nos rencontres de famille, de communauté, de travail, pensons à bénir les autres, c’est-à-dire à souligner ce qui en eux plaît à Dieu. Nous pouvons le faire intérieurement : « Seigneur, je te rends grâce pour ce frère » ; ou extérieurement : « C’est bien ce que tu as fait là, tu as raison, continue… » Il est important de dire aux autres tout le bien qu’on pense d’eux et tout l’amour que Dieu a pour eux. Il est important de leur vouloir du bien, même s’ils nous agacent ou nous déroutent : ne nous laissons pas diriger par la superficialité de nos sentiments, mais par nos convictions profondes illuminées par la foi.

Souvenons-nous de la bénédiction que Dieu avait inspirée à Moïse, lors de l’Exode, avec toutes les dispositions liturgiques décrites dans le livre des Nombres. Benoît XVI explique comment celle d’Élisabeth lui fait écho :

« Cette bénédiction [de Lc 1, 42] est en continuité avec la bénédiction sacerdotale que Dieu avait suggérée à Moïse pour qu’il la transmette à Aaron et à tout le peuple : “Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en grâce ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix !” (Nb 6, 24-26.) En célébrant la solennité de sainte Marie, la sainte Mère de Dieu, l’Église nous rappelle que Marie est la première destinataire de cette bénédiction. En elle, celle-ci trouve son accomplissement : en effet, aucune créature n’a vu briller sur elle le visage de Dieu comme Marie, qui a donné un visage humain au Verbe éternel, de sorte que tous puissent le contempler. » Pape François, Homélie, 1er janvier 2015.

Bénissons donc les autres, gratuitement, généreusement. Nous sommes si souvent dans deux attitudes inverses : la critique directe ou cachée (malveillance et médisance), alors que nous ne pouvons pas sonder leurs cœurs ; le conseil déplacé, par lequel nous nous proposons de réformer nos frères sans qu’ils nous y aient invités. Demandons la grâce de découvrir en chacun ce qui est beau et plaît à Dieu, ce qui fait d’eux des bénis du Père, et laissons l’Esprit l’exprimer librement.

Élisabeth fait ensuite un acte d’humilité : « D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » (v. 43.) Face à la grandeur du mystère et au contact de la sainteté de Dieu, Élisabeth réagit comme le feront plus tard Pierre (« Éloigne-toi de moi car je suis un homme pécheur », Lc 5, 8) ou le centurion (« Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit », Mt 8, 8). Elle se sent indigne. Déjà David, recevant par Nathan la promesse de la naissance du Messie dans sa descendance, s’était écrié : « Qui suis-je, Seigneur Dieu, et quelle est la maison, pour que tu m’aies mené jusque-là ? » (2 S 7, 18.) Dans l’évangile de la Visitation, l’humilité de tous les personnages est impressionnante, comme le souligne Origène :

« Il faut observer que Marie, qui est supérieure, va vers Élisabeth, qui est inférieure, et le Fils de Dieu vers le Baptiste : cela nous apprend qu’il ne faut pas tarder à aider ceux qui sont inférieurs à nous, et nous enseigne aussi la modestie. » Origène, Commentaire à l’évangile de Jean, VI, 49, dans l’édition de Preuschen (GCS 159,16).

Nous arrive-t-il, devant certaines grâces particulières, certaines missions qui nous sont confiées, mais plus encore dans les sacrements, en particulier l’Eucharistie et le sacrement du pardon, de ressentir cette indignité ? Il ne s’agit pas d’un constat amer, puisque Dieu nous aime, mais d’un mouvement très positif de lucidité, une lumière de l’Esprit qui nous remplit de joie. C’est le sentiment de petitesse de l’enfant, à la fois impressionné et rassuré par la grandeur du Père. Rendons grâce également pour la foi qui nous a été transmise, par l’Église et par une chaîne interrompue de croyants anonymes : par eux, le Seigneur nous a rejoints… Nous aussi, comme Marie, avons été bénis par le Père, ainsi que l’exprime le pape François :

« De même que Marie est saluée par sainte Élisabeth comme étant “bénie entre toutes les femmes” (Lc 1, 42), nous aussi nous avons été depuis toujours “bénis”, c’est-à-dire “aimés”, et pour cela “choisis avant la création du monde pour être saints et immaculés” (cf. Ep 1, 4). Marie a été préservée tandis que nous nous avons été sauvés grâce au baptême et à la foi. Mais tous, que ce soit elle ou nous, “par le Christ”, “à la louange de sa grâce” (cf. v. 6), cette grâce dont l’Immaculée a été comblée en plénitude. » Pape François, Angélus, 8 décembre 2014.

Marie et l’Église

Nous pouvons enfin méditer sur la figure de Marie à travers les paroles d’Élisabeth. Elles ont inspiré la première partie de l’Ave Maria, que nous pouvons prier de manière toute particulière ces jours-ci. Le romancier Julien Green mettait sur les lèvres de Jeanne, l’un de ses personnages en recherche spirituelle, ces réflexions qui montrent comment la maternité de Marie est universelle. Ayant pris place dans l’église de son village, elle décrit sa propre prière :

« Je la salue [Marie] parce qu’elle est belle et que le croissant de la lune est sous ses pieds, et parce que je suis toute seule et que j’ai besoin de parler à quelqu’un qui m’écoute avec bonté. Alors, je déballe tous mes ennuis. Je me plains à Marie de ma solitude, et je suis moins seule. Je lui dis que j’ai un cœur humain et que ce cœur a froid parce que l’homme que j’aime n’est pas là, et elle comprend parce qu’elle est la mère de toute l’humanité. Et lorsque je ferme les yeux, il me semble que je me blottis contre elle, le front près de ses genoux, et qu’elle me touche les cheveux du bout des doigts. » J. Green, Varouna, Fayard, 1995, p. 319.

Mais nous pouvons aussi appliquer cette salutation à l’Église. En effet, Élisabeth souligne la fécondité de Marie (« le fruit de tes entrailles ») et sa grandeur (« entre toutes les femmes »), deux caractéristiques de la nouvelle « fille de Sion » qu’est l’Église, peuple béni entre toutes les nations, qui engendre les âmes à la vie divine. Bien plus, l’Église contient en son sein − dans le tabernacle − le Seigneur de l’univers. Le concile Vatican II nous suggère cette piste spirituelle :

« En contemplant la sainteté mystérieuse de la Vierge et en imitant sa charité, en accomplissant fidèlement la volonté du Père, l’Église (grâce à la Parole de Dieu qu’elle reçoit dans la foi) devient à son tour Mère : par la prédication en effet, et par le baptême, elle engendre à une vie nouvelle et immortelle des fils conçus du Saint-Esprit et nés de Dieu. Elle aussi est vierge, ayant donné à son Époux sa foi, qu’elle garde intègre et pure ; imitant la Mère de son Seigneur, elle conserve, par la vertu du Saint-Esprit, dans leur pureté virginale, une foi intègre, une ferme espérance, une charité sincère. » Concile Vatican II, Lumen Gentium, nº 64 ; lire tout le chapitre 8, n° 60-65 (« La Vierge et l’Église »).

Élisabeth termine sa louange par la foi : « Heureuse celle qui a cru… » Elle commente l’attitude de la Vierge lors de l’Annonciation, décrite quelques versets auparavant. Jésus exprimera une louange analogue après sa Résurrection, en s’adressant à Thomas : « Parce que tu me vois, tu crois. Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru. » (Jn 20, 29) C’est en effet la Parole, à défaut de la vision, qui engendre en nous la foi : « La foi naît de la prédication et la prédication se fait par la parole du Christ. » (Rm 10, 17) L’Église joue un rôle particulier dans cette dynamique : elle nous éduque dans la foi par la proclamation de l’Évangile. Comme le dit le Catéchisme :

« C’est d’abord l’Église qui croit, et qui ainsi porte, nourrit et soutient ma foi. C’est d’abord l’Église qui, partout, confesse le Seigneur, et avec elle et en elle, nous sommes entraînés et amenés à confesser, nous aussi : “Je crois”, “Nous croyons”. C’est par l’Église que nous recevons la foi et la vie nouvelle dans le Christ par le baptême. » Catéchisme de l’Église catholique, n° 168.

L’évangile de ce dimanche nous invite donc à la louange : louons le Seigneur pour Marie qui va bientôt enfanter, et louons-le pour l’Église, notre Mère. Cette attitude distingue les âmes profondément catholiques, et ce chant qui monte vers Dieu depuis les saints illumine notre chemin ordinaire, qui souvent s’embourbe dans la médiocrité. Écoutons par exemple saint Paul VI ; quelque temps avant de mourir, dans son testament spirituel, il exprimait ainsi sa grande passion pour l’Église :

« C’est pourquoi je prie le Seigneur qu’il m’accorde la grâce de faire de ma mort prochaine un don d’amour à l’Église. Je peux dire que je l’ai toujours aimée ; ce fut cet amour pour elle qui m’arracha à mon étroit et sauvage égoïsme et me conduisit à son service ; c’est pour elle, et pour nul autre, qu’il me semble avoir vécu. Mais je voudrais que l’Église le sache ; et que j’aie la force de le lui dire, comme une confidence du cœur qu’on n’a le courage de faire qu’aux derniers moments de la vie. Je voudrais, enfin, la comprendre tout entière, dans son histoire, dans son dessein divin, dans son destin final, dans sa composition complexe, totale et unitaire, dans sa consistance humaine et imparfaite, dans ses malheurs et ses souffrances, dans les faiblesses et les misères d’un si grand nombre de ses fils, dans ses aspects moins sympathiques et dans son effort permanent de fidélité, d’amour, de perfection et de charité. Corps mystique du Christ. Je voudrais l’embrasser, la saluer, l’aimer en chaque être qui la compose, en chaque évêque et prêtre qui l’assiste et la guide, dans toute âme qui la vit et la glorifie ; la bénir. Mais aussi parce que je ne la quitte pas, que je n’en sors pas, mais que je m’unis et me confonds plus et mieux avec elle : la mort est un progrès dans la communion des Saints. » Pape Paul VI, Pensée sur la mort, 1978 (www.vatican.va).

Il est donc bon d’entonner de temps en temps, dans notre prière, une louange à notre Mère l’Église, c’est-à-dire de remercier Dieu pour un don si excellent. Nous imitons ainsi sainte Élisabeth qui reconnaît le grand don qui s’avance vers elle, et se rend docile à l’Esprit pour rendre au Père toute la gloire. Voici comment un grand théologien, le père Henri de Lubac, s’adressait de manière lyrique à l’Église :

« Louée sois-tu, Mère du bel amour, de la crainte salutaire, de la science divine et de la sainte espérance ! Sans toi, nos pensées restent éparses et flottantes : tu les lies en un faisceau robuste. Tu dissipes les ténèbres où chacun s’engourdit, ou se désespère, ou, pitoyablement, “se taille à sa guise son roman de l’infini” (Renan). Sans nous décourager d’aucune tâche, tu nous gardes des mythes trompeurs, tu nous épargnes les égarements et les dégoûts de toutes les églises faites de main d’homme. Tu nous sauves de la ruine en présence de notre Dieu ! Arche vivante, Porte de l’Orient, Miroir sans tache de l’activité du Très-Haut ! Toi qui es aimée du Maître de l’univers, initiée à ses secrets, et qui nous instruis de ce qui lui plaît ! Toi dont l’éclat surnaturel, aux pires heures, ne se ternit pas ! Toi grâce à qui notre nuit est baignée de lumière ! Toi par qui, chaque matin, le prêtre monte à l’autel du Dieu qui réjouit sa jeunesse ! Sous l’obscurité de ton enveloppe terrestre, la Gloire du Liban est en toi. Tu nous donnes chaque jour celui qui seul est la Voie et la Vérité. Par toi, nous avons en lui l’espérance de la Vie. Ton souvenir est plus doux que le miel, et celui qui t’écoute ne connaîtra jamais la confusion. Mère sainte, Mère unique, Mère immaculée ! Ô grande Mère ! Sainte Église, Ève véritable, seule vraie Mère des Vivants ! » H. de Lubac, Méditation sur l’Église, Cerf, 2006, p. 239-240.


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