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Nous avons tous été frappés, un jour ou l’autre, par la présence d’une femme enceinte. La main sur son ventre déjà bien arrondi, elle murmure dans un sourire : « Il est là ! », puis elle ajoute : « Il va bientôt naître. » Mais sa voix est souvent mêlée d’une certaine crainte, surtout s’il s’agit de la première grossesse : tout va-t-il bien se passer ? L’Écriture a souvent repris cette image, comme Isaïe : « Comme la femme enceinte à l’heure de l’enfantement souffre et crie dans ses douleurs, ainsi étions-nous devant ta face, Seigneur. » (Is 26, 17) Mais saint Jean la complète : « La femme, sur le point d’accoucher, s’attriste parce que son heure est venue ; mais lorsqu’elle a donné le jour à l’enfant, elle ne se souvient plus des douleurs, dans la joie qu’un homme soit venu au monde. » (Jn 16, 21)

Joie de la présence et enthousiasme pour le futur, teintés de tremblements justifiés ; attente de l’événement crucial qui approche… Ces mouvements du cœur traversent toutes les lectures de ce dimanche, ébauchant une spiritualité de l’Avent. Nous allons donc contempler la fille de Sion sur le point d’enfanter, puis nous préparer à la venue du Messie : par la réforme de nos vies, par l’annonce du Christ.

La fille de Sion va bientôt enfanter

Pourquoi ce thème de l’enfantement ? Les prophètes ont souvent comparé la relation entre Dieu et Israël avec le mariage : nous avons vu comment les expressions de Sophonie et d’Isaïe, dans les textes de la messe, reprennent l’expression très concrète : « en ton sein ». Voici une petite synthèse biblique de cette métaphore nuptiale :

« Dieu se fait connaître comme l’Époux qui aime Israël, son Épouse. Si, dans cette relation, Dieu est décrit comme un “Dieu jaloux” (cf. Ex 20, 5 ; Na 1, 2) et Israël dénoncé comme une Épouse “adultère” ou “prostituée” (cf. Os 2, 4-15 ; Ez 16, 15-34), la raison en est que l’espérance, renforcée par la parole des prophètes, est bien de voir la nouvelle Jérusalem devenir l’épouse parfaite : “Comme un jeune homme épouse une jeune fille, celui qui t’a construite t’épousera. Comme la jeune mariée est la joie de son mari, ainsi tu seras la joie de ton Dieu.” (Is 62, 5) Recréée par “la justice et le droit, l’amour et la tendresse” (Os 2, 21), celle qui s’était détournée en quête de la vie et du bonheur auprès des faux dieux reviendra et, à celui qui parlera à son cœur, “elle répondra comme au temps de sa jeunesse” (Os 2, 17) et elle l’entendra déclarer : “Ton époux, c’est ton Créateur.” (Is 54, 5) C’est en substance la même chose qui est affirmée lorsque, parallèlement au mystère de l’œuvre que Dieu réalise à travers la figure masculine du Serviteur souffrant, le livre d’Isaïe évoque la figure féminine de Sion parée d’une transcendance et d’une sainteté qui préfigurent le don du salut offert à Israël. » Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre aux évêques de l’Église catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde, 31 mai 2004.

Dans les textes de la liturgie, Sophonie et Isaïe contemplent donc une Jérusalem « enceinte », parce que le Messie est présent en elle. Ce n’est qu’un « germe » car la lignée royale de David, qui doit fournir le Messie comme un fruit, a été bien mise à mal par les invasions successives. On espère donc que le bourgeon fleurira un jour, dans un printemps où « le germe du Seigneur deviendra parure et gloire, le fruit de la terre deviendra fierté et ornement pour les survivants d’Israël » (Is 4, 2).

Quelques siècles après, le peuple que trouve Jean-Baptiste était animé de cette même espérance messianique : « Le peuple était en attente, et tous se demandaient si Jean n’était pas le Christ. » (Lc 3, 15) L’Esprit maintenait vivante en eux la prophétie de Zacharie dans toute sa splendeur : « Voici un homme dont le nom est Germe ; là où il est, quelque chose va germer et il reconstruira le sanctuaire du Seigneur. » (Za 6, 12) Alors vient Jean-Baptiste, qui annonce Jésus : comme pour la femme enceinte – le Peuple de Dieu –, le Christ est à la fois présent, au milieu de la foule qui se fait baptiser, et à venir : « Il vient, celui qui est plus fort que moi. » (Lc 3, 16)

Nous vivons la même tension dans l’Église aujourd’hui ; Jésus est vraiment présent, et de bien des manières : par l’Eucharistie, les frères, le sacerdoce, la Parole, etc. Mais il doit encore venir, parce que nous ne le voyons pas « face à face ». L’Église reste, en quelque sorte, « enceinte » de Jésus… C’est pourquoi saint Paul, dans son Épître, relève ce double aspect : « La paix de Dieu gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus », parce qu’il est déjà présent en vous… ; mais « le Seigneur est proche » : son retour final, la Parousie, aura lieu bientôt. Et comme la femme enceinte, la communauté est remplie de joie par cette présence-et-venue. Le Catéchisme nous explique ce processus :

« Pour accomplir la volonté du Père, le Christ inaugura le Royaume des cieux sur la terre. Or, la volonté du Père, c’est d’élever les hommes à la communion de la vie divine. Il le fait en rassemblant les hommes autour de son Fils, Jésus-Christ. Ce rassemblement est l’Église, qui est sur terre le germe et le commencement du Royaume de Dieu. Le Christ est au cœur de ce rassemblement des hommes dans la “famille de Dieu”. Il les convoque autour de lui par sa parole, par ses signes qui manifestent le règne de Dieu, par l’envoi de ses disciples. Il réalisera la venue de son Royaume surtout par le grand mystère de sa Pâque : sa mort sur la Croix et sa Résurrection. “Et moi, élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi.” (Jn 12, 32) À cette union avec le Christ, tous les hommes sont appelés. » Catéchisme de l’Église catholique, nº 541-2.

C’est pourquoi l’icône de Marie enceinte nous accompagne spécialement pendant l’Avent, temps liturgique qui ressemble aux mois où elle a porté Jésus en son sein. Demandons-lui de nous ouvrir la porte de sa maison à Nazareth pour vivre avec elle ce mystère de la croissance de l’Enfant Jésus dans la chaleur de son foyer. Toute la grandeur de sa personne est liée à ce thème de la maternité : aujourd’hui, elle nous porte comme de petits êtres spirituels encore en attente de leur naissance au Ciel. Toute l’espérance du peuple d’Israël se concentre en elle ; mieux, elle incarne ce peuple à elle seule : elle est la « fille de Sion ». Et elle est la Mère de l’Église… Le théologien Ratzinger reprenait ainsi la première lecture de ce dimanche pour éclairer le sens de l’Annonciation :

« La salutation à Marie (Lc 1, 28-32) est formulée en étroite relation avec Sophonie 3, 14-17 : Marie à qui est adressée l’exclamation “Réjouis-toi” est celle qui est interpellée là-bas fille de Sion. Il est dit d’elle que le Seigneur vient à elle, elle à qui la crainte est enlevée parce que le Seigneur est en elle pour la sauver. À ce propos, Laurentin fait la belle remarque suivante : “Comme souvent, la parole de Dieu se révèle telle un grain de blé… On comprend aussi pourquoi Marie s’est effrayée de ce message (Lc 1, 29). Son effroi ne provient pas d’une incompréhension ou d’une quelconque anxiété pusillanime que l’on aimerait parfois lui attribuer. Il provient du choc que produit toute rencontre avec Dieu, de cette joie incommensurable capable d’ébranler les cœurs les plus endurcis.” Selon la présentation de Luc apparaît dans le message de l’Ange le thème porteur de la figure de Marie : elle est en personne la vraie Sion vers qui se sont orientées les espérances au milieu de toutes les dévastations de l’histoire. Elle est le véritable Israël en qui Ancienne et Nouvelle Alliance, Israël et l’Église, sont un sans séparation. Elle est le “peuple de Dieu” qui porte du fruit par la puissance gracieuse de Dieu. » J. Ratzinger, La fille de Sion : considérations sur la foi mariale de l’Église, Parole et Silence, 2002, p. 56-57.

Comment nous préparer aux fêtes de Noël ?

Saint Luc nous présente un tête-à-tête grandiose entre Jean-Baptiste, prophète des temps messianiques, et le peuple saint en attente du salut. Frappées par son appel à la conversion, les foules l’interrogent à deux reprises, sur les comportements à amender, puis sur l’attente spirituelle de leur cœur croyant. Les deux dimensions de sa réponse sont très importantes pour l’Église aujourd’hui : rectitude morale et foi au Christ ; ce sont les deux pistes à suivre pour préparer le peuple qui nous est confié alors que Noël s’approche.

Nous pourrions développer une puissante allégorie de notre vie personnelle à partir de cette scène : Jean-Baptiste y tiendrait le rôle de la conscience morale, qui juge tous les actes de l’homme. Devant elle viennent défiler tous les domaines de notre activité, comme ces personnages qui posent la question morale fondamentale : « Que devons-nous faire ? » ; la voix du précurseur est parole prophétique pour le peuple, tout comme la volonté de Dieu résonne dans ce sanctuaire intime qu’est la conscience. Puis, au-delà de la rectitude naturelle de notre agir humain, apparaît le doigt qui désigne le Christ : le Précurseur annonce la présence du Messie, car il est impossible à l’homme d’obéir parfaitement à la conscience sans l’aide de la grâce. Les deux parties de l’évangile de ce jour offrent ainsi une image frappante de l’articulation délicate entre la nature et la grâce, entre notre démarche spontanée de conversion devant la misère de notre cœur, et la venue du Sauveur en qui repose notre espérance.

Nous allons méditer d’abord sur l’appel très concret de Jean à la justice, adressé à trois types de personnages qui représentent trois travers principaux : incapacité à partager, amour des richesses, violence.

« Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas. » (Lc 3, 11) Pour se préparer à la venue du Christ, nous ne pouvons pas « faire l’impasse » sur cette dimension de solidarité. Or, nos obligations professionnelles, familiales – voire ecclésiales – nous servent souvent de prétexte pour nous dérober à ce devoir. Si nous n’avons pas de biens concrets à distribuer, nous pouvons, à notre mesure, partager notre temps, nos connaissances, notre cœur, notre prière avec ceux qui en ont besoin ; et ils sont si nombreux, si proches ! Le pape François le rappelait vigoureusement :

« Personne ne devrait dire qu’il se maintient loin des pauvres parce que ses choix de vie lui font porter davantage d’attention à d’autres tâches. Ceci est une excuse fréquente dans les milieux académiques, d’entreprise ou professionnels, et même ecclésiaux. Même si on peut dire en général que la vocation et la mission propre des fidèles laïcs est la transformation des diverses réalités terrestres pour que toute l’activité humaine soit transformée par l’Évangile, personne ne peut se sentir exempté de la préoccupation pour les pauvres et pour la justice sociale. » Pape François, Exhortation apostolique Evangelii Gaudium, nº 200.

« N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé […]. Contentez-vous de votre solde ! » (v. 13-14.) Les autorités politiques, à l’époque du Christ, laissaient les collecteurs d’impôts se payer ordinairement sur ce qu’ils percevaient, ce qui stimulait leur zèle ; ils exigeaient fréquemment plus que les sommes justes, de manière à en détourner une partie pour eux-mêmes. Le deuxième avertissement de Jean-Baptiste ce dimanche concerne donc la cupidité et la propension à accumuler au-delà de ce qui est nécessaire. Nous ne pouvons pas désirer la venue de Dieu et vouloir accaparer les biens matériels, surtout si nous lésons autrui ou pratiquons la fraude. Quelle est la délicatesse de ma conscience en ce domaine ? Employer des personnes « au noir », masquer des revenus au fisc, favoriser injustement certains enfants au détriment d’autres, etc. S’il m’arrive de commettre de telles fautes, suis-je disposé à les réparer ?

Nous devons revenir à la modération et à la sobriété si nécessaires pour rendre notre cœur disponible au Seigneur. Cette appréciation de la pauvreté extérieure nous aidera pour acquérir la vraie pauvreté intérieure. Sainte Thérèse d’Avila décrit ainsi les manifestations de cette profonde humilité du chrétien, qui se sait pauvre de tout, dans la prière :

« Ce que nous avons à faire, c’est de nous tenir comme des pauvres nécessiteux en présence d’un grand et riche monarque ; à peine ont-ils demandé l’aumône qu’ils baissent les yeux et attendent en toute humilité. Quand il nous semble que Dieu, par des voies secrètes, nous fait comprendre qu’il nous écoute, il est bon alors de nous taire, dès lors qu’il nous a permis de nous approcher de lui ; il ne sera pas mal de chercher, si nous le pouvons, bien entendu, à ne pas discourir ; mais si nous ne comprenons pas encore que ce grand Roi nous écoute et nous regarde, nous ne devons pas rester comme des insensés à ne rien faire. »Sainte Thérèse d’Avila, Le Livre des Demeures, IVe Demeures, chap. 3.

« Ne faites ni violence ni tort à personne. » (v. 14) Les soldats, quant à eux, profitaient de leur autorité pour piller et extorquer. La violence et le tort faits à autrui relèvent du cinquième commandement : « Tu ne tueras pas. » (Ex 20, 13) Il est incompatible avec l’accueil du Royaume de Dieu et du Prince de la Paix. Les armées de l’Antiquité étaient peu soucieuses de respecter le droit des personnes et leur comportement était admis comme découlant du monopole de la force. Nos sociétés présentent des formes de violence et d’injustices auxquelles nous prêtons peu d’attention : au sein des familles, des écoles, des entreprises, la violence physique ou verbale fait des ravages, de même que l’injustice. Nous sommes appelés, là où Dieu nous a placés, à ne pas rester muets face à ces situations et à ne pas les cautionner.

Ce que Jean-Baptiste demande aux publicains et aux soldats est à portée humaine : « Contentez-vous de votre solde ! » Au-delà de cet appel à éviter le péché, nous pouvons aussi percevoir une dimension positive, celle d’exercer notre profession avec responsabilité. Jean-Baptiste invite ses interlocuteurs, collecteurs d’impôts et soldats, non pas à renoncer à leur tâche profane, mais à l’accomplir dans le droit et la justice. Une invitation très actuelle : le chrétien sait que rien n’échappe à l’étendue de la charité, même – et surtout – les domaines comme la politique, l’économie, l’art ou le sport qui semblent plus éloignés du « Règne de Dieu ». Un exemple nous vient de sainte Jeanne d’Arc, engagée à fond dans une mission purement temporelle, avec toute la force de sa charité :

« La libération dans laquelle Jeanne [d’Arc] s’est engagée, libération dont elle a été l’acteur principal, était donc une réalité purement politique, une question de justice humaine, terrestre, dans un conflit entre deux royaumes également chrétiens, celui de France et celui d’Angleterre. L’œuvre libératrice de Jeanne est essentiellement une œuvre de justice, mais de justice “informée” par la charité. […] Chez les saints, le plein développement de la charité informe et transforme tous les aspects et toutes les dimensions de la vie humaine. Rien de ce qui est humain n’échappe à l’emprise de la charité, à son pouvoir informant et transformant. Par la charité qui est le plus grand don de l’Esprit Saint, l’homme est intimement uni à Dieu et toutes les réalités humaines sont divinisées en restant pleinement humaines. C’est ainsi que la dimension politique de la vie de Jeanne d’Arc, dimension essentielle de sa vie, reste une réalité pleinement humaine, une affaire de justice terrestre, et pourtant, elle n’est jamais étrangère à sa charité, à côté de sa charité. Au contraire, toute la vie politique de Jeanne est pénétrée par sa charité. La charité en est vraiment la mère, car c’est elle qui l’a engendrée : elle en est tellement la forme qu’elle ne pourra jamais s’en séparer. Dans la conscience de Jeanne, sa fidélité à sa mission politique est nécessaire à son salut éternel. » F.-M. Léthel, Connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance. La théologie des saints, Éditions du Carmel, 1989, p. 327.

Ne fuyons donc pas la justice ou les devoirs de notre état dans un faux mysticisme : la voix de Jean-Baptiste continue de résonner, image de celle de notre conscience, si nous ne l’avons pas étouffée dans les accommodements et les démissions. Demandons la grâce d’avoir l’ouïe plus fine pendant l’Avent, et le cœur plus disponible pour la conversion à la pauvreté…

Annoncer le Christ

Si Jean-Baptiste s’est dédié à baptiser dans le Jourdain pour purifier les hommes de leurs péchés, ce n’est pas seulement par souci de rectitude morale et d’amendement des mœurs. Son intention est clairement annoncée dès le départ : « Voix de celui qui crie dans le désert : préparez le chemin du Seigneur ! » (Lc 3, 4.) C’est cela qui attire les foules au Jourdain, et non la dénonciation morale… L’attente du Messie était forte à l’époque ; depuis longtemps, aucun prophète ne s’était levé en Israël. L’apparition de Jean-Baptiste soulève donc d’immenses espoirs. Certains y voient l’imminence de la restauration de la nation juive, et sa suprématie sur les nations païennes alentour ; beaucoup se demandent si Jean n’est pas le Messie.

Jean n’entretient aucune ambiguïté sur sa propre personne ; un autre vient derrière lui, qui est plus puissant que lui. Mais il fait également le portrait du Messie, en des termes énigmatiques pour son auditoire. Jean pratique un baptême de conversion : en grec, baptiser signifie « plonger, immerger ». Jean immerge en signe de repentir pour le pardon des péchés. Le Messie, lui, apportera une purification plus radicale, celle du cœur, par l’action de l’Esprit Saint ; il immergera aussi dans le feu en détruisant le péché par sa Passion. Il est celui qui jugera le monde, à la fin des temps, et séparera pour toujours ce qui bon − le grain − de ce qui est mauvais − la paille − avec sa pelle à vanner.

C’est là que Jean-Baptiste rejoint ce qu’avaient annoncé Isaïe et Sophonie, ses prédécesseurs : une nouvelle naissance pour Sion, un enfantement dans l’Esprit. Saint Basile nous l’explique :

« C’est par l’Esprit que s’opère le rétablissement dans le paradis, la montée dans le royaume des cieux, le retour dans l’adoption filiale. De l’Esprit, vient que nous pouvons avec assurance appeler Dieu notre Père ; c’est l’Esprit qui donne d’être associé à la grâce du Christ, de prendre le nom d’enfant de lumière, d’avoir part à la gloire éternelle, en un mot, d’être comblé de toute bénédiction, en ce siècle et dans les siècles à venir ; de voir en un miroir, comme s’ils étaient déjà là, la grâce des biens qui nous sont promis et dont, par la foi, nous attendons la jouissance. Car si les arrhes sont déjà telles, quelle sera la valeur du total ? Et si les prémices sont d’un tel prix, quel sera le tout dans sa plénitude ? Et voici ce qui nous permet encore de comprendre la différence entre la grâce qui vient de l’Esprit et le baptême d’eau : Jean a baptisé dans l’eau, notre Seigneur baptise dans l’Esprit Saint. » Saint Basile de Césarée, Le Traité du Saint-Esprit, coll. « Les Pères dans la foi », n° 11, DDB, 1979, p. 165.

Jean proclame donc avec force le mystère du Christ, présent au milieu du peuple : « Il vient, celui qui est plus fort que moi. » (v. 16) Son message ne s’arrête pas à la solidarité et à la justice sociale, il veut élever le regard des foules vers la personne du Christ. Ce deuxième aspect d’attente et d’annonce de la personne de Jésus est-il bien présent dans ma vie, ou bien est-ce que je me limite à prendre soin de ma vie morale ? Dans notre rapport avec les pauvres, sommes-nous sensibles à cette dimension spirituelle ? Ai-je à cœur d’annoncer Jésus à temps et à contretemps ? Certaines œuvres caritatives, pourtant enracinées dans l’Église, semblent s’interdire le témoignage évangélique… Comme si le pain terrestre suffisait pour soigner la faim humaine ! Le pape François exprimait ainsi son indignation :

« Étant donné que cette Exhortation s’adresse aux membres de l’Église catholique, je veux dire avec douleur que la pire discrimination dont souffrent les pauvres est le manque d’attention spirituelle. L’immense majorité des pauvres a une ouverture particulière à la foi ; ils ont besoin de Dieu et nous ne pouvons pas négliger de leur offrir son amitié, sa bénédiction, sa Parole, la célébration des Sacrements et la proposition d’un chemin de croissance et de maturation dans la foi. L’option préférentielle pour les pauvres doit se traduire principalement par une attention religieuse privilégiée et prioritaire. » Pape François, Exhortation apostolique Evangelii Gaudium, nº 201.

Nous nous sentons peut-être faibles et démunis face à la voix de Jean-Baptiste : l’Évangile semble exiger tant de nous ! Ayons alors recours à Marie, la Vierge de l’Avent, qui saura nous montrer le chemin simple et court que le Christ attend de nous en cette période. Reprenons ces vers de Verlaine :

« L’ennemi m’investit d’un fossé d’eau dormante ;
Une part de mon être a peur et parlemente :
Il me faut à tout prix un secours prompt et fort.
Ce fort secours, c’est vous, maîtresse de la mort
Et reine de la vie, ô Vierge immaculée,
Qui tendez vers Jésus la Face constellée,
Pour lui montrer le Sein de toutes les douleurs,
Et tendez vers nos pas, vers nos ris, vers nos pleurs,
Et vers nos vanités douloureuses les paumes
Lumineuses, les Mains répandeuses de baumes.
Marie, ayez pitié de moi qui ne vaux rien
Dans le chaste combat du Sage et du Chrétien ;
Priez pour mon courage et pour qu’il persévère,
Pour de la patience, en cette longue guerre,
À supporter le froid et le chaud des saisons ;
Écartez le fléau des mauvaises raisons ;
Rendez-moi simple et fort, inaccessible aux larmes,
Indomptable à la peur ; mettez-moi sous les armes. » P. Verlaine, Angélus de midi, in Amour, 1875.


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