lecture

Comme chaque année, la figure de Jean-Baptiste domine ce deuxième dimanche de l’Avent. Son appel est clair : « Le Seigneur vient, préparez-vous ! » La semaine prochaine, nous l’écouterons détailler ce programme de conversion et se démarquer humblement du Messie (cf. Lc 3, 10-18). Pour l’instant, Luc nous le présente dans un double contexte : l’histoire humaine, avec la mention de Tibère César et d’autres autorités ; le prophétisme biblique, avec une longue citation d’Isaïe 40, qui est très proche du texte de Baruch en première lecture (cf. Ba 5). Saint Paul, comme un nouveau Jean-Baptiste, a prêché la conversion aux Philippiens et les confie désormais au Seigneur, « qui achèvera le travail » (Ph 1, deuxième lecture). Ce dimanche, la liturgie de la Parole nous invite ainsi à écouter le témoignage prophétique de Baruch, Jean-Baptiste et saint Paul : tous trois, pour devenir prophètes, ont connu un itinéraire très particulier qui nous inspire pour notre mise en route vers l’Enfant qui vient à Noël. Voici comment Romano Guardini décrivait leurs existences :

« Pour comprendre le caractère de cette vie [de Jean-Baptiste], il faut ouvrir les livres de Samuel et des Rois et y lire ce qui concerne les premiers prophètes, un Samuel, un Élie, un Élisée, qui, possédés par l’Esprit, ont mené une vie si surhumaine : élevés tantôt à une hauteur vertigineuse et dominatrice, illuminés par une science in compréhensible, rendus capables d’une activité très puissante et tantôt précipités dans l’obscurité et l’impuissance, au gré du même Esprit. Grands au-delà de toute mesure humaine, ils ont aussi été humiliés sans mesure. Ne possédant rien pour eux-mêmes, esclaves de celui qui les gouvernait, ils n’avaient d’autre raison d’être que la participation au mystère de la conduite du peuple par Dieu lui-même… Jean est de la trempe de ces hommes, le dernier de leur série, seulement tout proche de l’événement attendu et préparé par tous. Partout alors se fait pressentir ce que les évangiles appellent “la plénitude des temps”. Partout se gonfle le sein du présent et l’heure est mûre. C’est pour tout cela que vit Jean. C’est cela qu’il montre du doigt parmi les prophètes : “Voici l’Agneau de Dieu”. »R. Guardini, Le Seigneur, Salvator, 2009, p. 49.

 

Évangile : Surgissement du Précurseur (Lc 3, 1-6)

La page de saint Luc que nous proclamons ce dimanche s’inscrit à l’intersection de deux univers inégaux mais entremêlés, l’histoire universelle et l’aventure du Salut. L’évangéliste commence par indiquer le moment précis de l’événement qu’il va relater, en se référant à l’Empire qui domine le monde, selon l’usage des historiens antiques : « l’an quinze de l’empereur Tibère » (v. 1) ; puis il descend d’un cran dans la hiérarchie du pouvoir pour se focaliser sur une province particulière, la Judée, où gouverne Ponce Pilate ; nous est enfin fourni un bref aperçu de l’environnement politique (Hérode, Philippe, Lysanias) puis religieux (Hanne et Caïphe) où est alors immergé le peuple élu. S’ouvre alors la perspective de l’histoire sainte, plus modeste en apparence, qui s’écrit dans la chair d’un petit peuple porteur de prophéties inouïes, comme celle d’Isaïe cité par Luc, par le moyen d’un prophète incommode à la voix puissante, et dans un lieu particulier, le désert. L’évangéliste veut donc situer clairement le personnage de Jean-Baptiste dans un contexte historique précis, surtout dans son aspect politique, avant de nous raconter les « événements du Salut » ; un personnage qu’il a pris soin d’introduire dans les premières pages de son œuvre, par un récit qui transparaît dans son titre : « Jean, le fils de Zacharie ». Nous viennent à la mémoire l’annonce dans le Temple, puis la naissance du Précurseur (cf. Lc 1)…

À la rencontre de ces deux mondes se produit un événement décisif : « La parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. » (Lc 3, 2) Cette expression est très courante dans les livres prophétiques : c’est ainsi que s’ouvre le livre de Jérémie (cf. Jr 1, 4). L’expression grecque qu’emploie Luc, « ῥῆμα θεοῦ, rhêma theou », traduit l’hébreu « דבר־יהוה, devar adonaï », très courante dans les livres prophétiques. La Parole du Seigneur est bien plus qu’une collection de mots ou la prédiction du futur, c’est un événement à part entière qui bouleverse son auditoire, une action du Seigneur qui a créé le monde (cf. Gn 1) et continue à le transformer, comme l’exprime le livre d’Isaïe : « La parole qui sort de ma bouche ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j’ai voulu et réalisé l’objet de sa mission. » (Is 55, 11).

Cela faisait bien longtemps que la parole prophétique ne s’était plus fait entendre en Israël, comme le mentionne le livre des Macchabées : « depuis la fin des temps des prophètes » (1 M 9, 27), c’est-à-dire quelques siècles avant l’empereur Tibère… Nouveau surgissement de la Parole, nouvelle étape du Salut, nouvel acteur : Jean est saisi par ce que les Prophètes avaient vécu avant lui, une vocation sainte, bien incarnée dans le temps et l’espace, au service de la Parole divine, et qui tire sa force et son sens de l’Écriture. L’histoire humaine suit son cours avec ses autorités, le Dieu d’Israël y intervient souverainement comme autrefois, car il est le Maître de l’histoire.

L’évangile de Luc nous avait déjà présenté le personnage de Jean : il est vraiment le Pré-curseur, celui qui « court devant » Jésus. L’annonce à Zacharie de sa naissance par Gabriel, puis sa venue au monde, ont préparé l’Annonciation et la naissance de Jésus ; Jean-Baptiste est le signe donné par l’Ange à Marie comme preuve de la toute-puissance de Dieu ; il est aussi celui qui dévoile la présence du Messie encore caché dans le sein de sa Mère, lors de la Visitation (cf. Lc 1). Puis il rentre provisoirement dans l’ombre avec cette courte mention : « Il demeurait dans les déserts jusqu’au jour de sa manifestation à Israël. » (Lc 1, 80). Dans la terminologie hébraïque, le désert (מדבר, midbar) entretient une relation particulière avec la parole (דבר, dabar) : Jean s’est formé à l’écoute de la Parole par ses nombreuses années de silence dans le désert, car Dieu ne parle pas dans le tumulte du monde mais au secret d’un cœur attentif. C’est dans le désert de Judée qu’il décide de mettre un terme à la vie cachée de son Fils bien-aimé et de « prendre la parole » au sein du monde.

Alors que Jésus s’apprête à sortir de l’anonymat et à commencer son ministère public (cf. Lc 3-4), Dieu suscite le Précurseur pour qu’il prépare de nouveau le chemin, cette fois-ci par la prédication. Il accomplit ce que l’Ange avait dit de lui à son père :

« Il marchera devant le Seigneur avec l’esprit et la puissance d’Élie, pour ramener le cœur des pères vers les enfants et les rebelles à la prudence des justes, préparant au Seigneur un peuple bien disposé. » (Lc 1, 17)

On se rappelle Zacharie devenu muet à cause de son incrédulité, et l’on connaît la corruption de Jérusalem à cette époque ; son fils se fait voix dans le désert pour que le peuple accueille dignement la Parole incarnée, le Christ. Il proclame en effet « un baptême de conversion pour le pardon des péchés. » (v. 3). Comme les grands prophètes d’Israël, ses devanciers, il associe le geste (immersion) à la parole (confession) pour exprimer l’œuvre de Dieu. Cette prédication se déploie en deux temps : tout d’abord, l’appel à la conversion, dans la plus grande tradition prophétique. Tous ses auditeurs devaient se rappeler les cris passionnés des Prophètes, comme par exemple Isaïe en sa toute première page :

« Lavez-vous, purifiez-vous ! Ôtez de ma vue vos actions perverses ! Cessez de faire le mal, apprenez à faire le bien ! Recherchez le droit, redressez le violent ! Faites droit à l’orphelin, plaidez pour la veuve ! » (Is 1, 16-17.)

Puis l’annonce de la présence du Messie, objet de tant d’oracles messianiques antérieurs, par exemple celui de Malachie :

« Voici que je vais envoyer mon messager, pour qu’il fraye un chemin devant moi. Et soudain il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez ; et l’Ange de l’alliance que vous désirez, le voici qui vient ! dit le Seigneur Sabaot. » (Ml 3, 1)

Nous écouterons cette prédication la semaine prochaine (cf. Lc 3, 10-18) ; pour ce dimanche, nous ne proclamons que la description du Précurseur, la « voix qui crie dans le désert ». Saint Luc, comme les autres synoptiques, insère ici une citation tirée du chapitre 40 du livre d’Isaïe (v. 3-5), qui sert d’introduction au thème du second Exode développé dans les chapitres 40 à 55 : le retour de l’Exil à Babylone est décrit comme un renouvellement de l’épopée au désert sous la houlette de Moïse. Il faut préparer les voies d’accès à Jérusalem pour l’arrivée des exilés :

« De toutes les montagnes je me ferai un chemin, et les chaussées seront pour moi surélevées. Les voici : de bien loin ils arrivent, les uns du nord et de l’ouest, les autres, de la terre d’Assouan. » (Is 49, 11-12)

Enfin, saint Luc termine sa citation sur l’expression d’Isaïe : « Toute chair verra le salut de Dieu. » (v. 6) Il s’agit d’un thème important pour lui : Syméon, par exemple, peut mourir car ses « yeux ont vu le Salut » (Lc 2, 30). On peut y déceler son souci d’universalité, puisque l’expression « toute chair » signifie l’humanité tout entière. L’évangéliste avait déjà élargi notre pensée au monde entier, avec la mention de l’empereur Tibère ; dès le début de l’œuvre du Christ, il a déjà en tête les grandes réalisations de l’évangélisation qui va toucher tout le bassin méditerranéen, et qu’il décrit dans les Actes des Apôtres. À la fin de toute son œuvre, il nous montrera Paul annonçant aux Juifs de Rome : « Sachez-le donc, c’est aux païens qu’a été envoyé ce salut de Dieu. Eux du moins, ils écouteront. » (Ac 28, 28) Mystère de la Parole apparue dans le désert de ce monde, si peu écoutée malgré l’envoi de tant de prophètes, les exhortations de Jean-Baptiste et les fatigues des Apôtres…

 

Première lecture : « Debout, Jérusalem ! » (Ba 5, 1-9)

Le livre de Baruch, qui nous est parvenu en grec, tire son nom du secrétaire de Jérémie (vie siècle avant J.-C.), auquel il est attribué (cf. Jr 36). Notre passage se présente comme un message envoyé par les déportés juifs de Babylone à l’adresse des Juifs restés à Jérusalem après la destruction du Temple pour les inciter à rester dans la confiance et l’espérance. Il s’agit toutefois d’un procédé d’écriture, le livre ayant plutôt été composé vers la fin du iie siècle avant notre ère, après la révolte des Maccabées. On se souvient que la persécution d’Antiochus Épiphane avait créé une situation de désarroi religieux comparable à celle de l’exil. D’où l’adaptation du message de Jérémie aux nouvelles circonstances. Un indice de ce déphasage chronologique : c’est le seul endroit de la toute la Bible où Dieu est appelé « l’Éternel », qui deviendra par la suite une désignation courante dans le judaïsme ; il s’agit donc d’un écrit tardif assez éloigné de la période de la prophétie classique.

Le texte de Baruch annonce la consolation et reprend le thème du retour de la captivité à Babylone. Il décrit ce retour comme une grande liesse, après le chant de pénitence du chapitre précédent : « J’ai quitté la robe de la paix, j’ai mis mon vêtement de suppliante ; je crierai vers l’Éternel tout au long de mes jours » (Ba 4, 20). Le prophète annonce la réponse de Dieu qui relève son peuple humilié, car le temps de la réconciliation est venu : « Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère ! » (Ba 5, 1.)

Une image concrète relie ce texte de Baruch avec la citation d’Isaïe dans l’évangile (cf. Is 40) : « les montagnes seront abaissées et les vallées comblées ». En effet, le chemin de retour depuis la Mésopotamie passait par les montagnes du nord (frontière entre la Syrie et le Liban actuels), parmi lesquelles l’Hermon enneigé – d’où probablement l’expression de « collines éternelles ». Il y avait aussi la vallée profonde du Jourdain, à l’est de Jérusalem, entre la Ville sainte et la terre de captivité, qui obligeait les marcheurs à une longue montée. Lorsque Baruch décrit le futur retour des exilés, il invite donc à « se tenir sur la hauteur et regarder vers l’orient », d’où se lève le soleil et d’où les exilés reviendront : Dieu aime tellement son peuple que « la terre sera aplanie, afin qu’Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu » (Ba 5, 8).

On peut aussi imaginer les grandes processions religieuses que les Israélites ont vues à Babylone, où les statues des dieux parcouraient la cité au milieu des acclamations, et où le chemin avait été somptueusement préparé tout au long des avenues triomphales. Jérusalem, beaucoup plus modeste et située sur une colline, entourée de vallées, ne permettait pas de telles processions ; c’est donc le Peuple, à son retour de captivité, qui prend la place des idoles païennes pour honorer le seul vrai Seigneur : « Dieu te les ramène, portés en triomphe, comme sur un trône royal. » (Ba 5, 6)

Le texte déborde toutefois le strict cadre des différentes persécutions et restaurations de l’Israël historique, par la dimension d’absolu qu’il comporte. Il ne s’agit pas de simples hyperboles littéraires lorsque nous entendons cette promesse : « Dieu va déployer sa splendeur partout sous le ciel, car Dieu pour toujours te donnera ces noms :… » (Ba 5, 2) L’ère qui s’annonce est universelle et tend vers l’éternité. Elle évoque, de plus, une union intime du peuple à la gloire de Dieu : « Revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours… Mets sur ta tête le diadème de la gloire de l’Éternel. » (v. 1) On trouve là un écho d’un autre texte d’Isaïe : « Il m’a revêtu des vêtements du salut, il m’a drapé dans le manteau de la justice. » (Is 61, 10) Il s’agit bien d’exprimer le maximum de l’honneur qui peut être attribué à une créature, et c’est dans l’Église, l’épouse immaculée de l’Agneau, que se réaliseront ces promesses.

« Splendeur » : ce concept si cher à Isaïe exprime l’éclat de la gloire, la beauté qu’irradie une réalité vraiment sainte lorsqu’elle laisse transparaître la gloire de Dieu. Baruch l’applique ici à Jérusalem, ville nouvelle lorsque viendra l’ère eschatologique. Les évangélistes, puis les Pères de l’Église, n’hésiteront pas à l’appliquer aux mystères chrétiens. Nos célébrations sont appelées à être imprégnées de la gloire divine pour rendre un culte digne au Seigneur et attirer les hommes pour les évangéliser. C’est pourquoi le Catéchisme souligne l’importance de la beauté dans nos liturgies :

« L’art sacré est vrai et beau, quand il correspond par sa forme à sa vocation propre : évoquer et glorifier, dans la Foi et l’adoration, le Mystère transcendant de Dieu, Beauté Suréminente Invisible de Vérité et d’Amour, apparue dans le Christ, “Resplendissement de Sa gloire, Effigie de Sa Substance” (He 1, 3), en Qui “habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité” (Col 2, 9), beauté spirituelle réfractée dans la très Sainte Vierge Mère de Dieu, les Anges et les Saints. L’art sacré véritable porte l’homme à l’adoration, à la prière et à l’amour de Dieu Créateur et Sauveur, Saint et Sanctificateur. »Catéchisme de l’Église catholique, nº 2502.

 

Psaume : Retour d’exil dans la jubilation (Ps 126)

Le Psaume 126(125) s’insère bien dans cet art sacré. Il chante le retour à Jérusalem, avec des accents de chant de triomphe : « Nous poussions des cris de joie. » (v. 2) L’événement force l’admiration des païens : « Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! » ; il provoque la foi du Peuple reconnaissant : « Quelles merveilles fait pour nous le Seigneur ! »

Ce psaume, par la suite, devait être prié spécialement dans les moments difficiles de l’histoire collective, sous la menace des ennemis : il aidait Israël à mettre sa confiance dans le Seigneur. En effet, s’il a accompli de telles merveilles dans le passé, comment nous abandonnerait-il aujourd’hui ?

D’où la supplication : « Ramène, Seigneur, nos captifs, comme les torrents au désert. » (v. 4) L’Exil symbolise toutes les situations d’oppression dont le Seigneur va délivrer son peuple. La souffrance d’aujourd’hui est un gage de bonheur pour l’avenir. Un bref « dicton pastoral » l’exprime à merveille : « Qui sème dans les larmes moissonne dans la joie. » (v. 5)

Toute cette richesse d’expériences religieuses est reprise et transformée par l’Évangile : il s’agit à présent de revenir de la captivité du péché, comme l’exprimera Jean-Baptiste avec force la semaine prochaine ; les hautes montagnes et les profondes vallées deviennent l’orgueil et la misère de l’homme, qu’il faut supprimer pour pouvoir recevoir Jésus. Nous y reviendrons dans la méditation. La ville de Jérusalem, apostrophée par Baruch, devient l’Église qui « voit ses enfants rassemblés du levant au couchant par la parole du Dieu Saint » : la proclamation de l’Évangile convertit les nations, par une fécondité spirituelle aux dimensions de l’univers…

 

Deuxième lecture : « Celui qui a commencé en vous… » (Ph 1, 4-6.8-11)

Saint Paul a fait l’expérience de ce que décrit le psaume dans sa prédication itinérante, et il le rappelle aux Philippiens. Lui aussi « a semé dans les larmes », mais il a eu la consolation d’en voir les fruits : c’est pourquoi il se réjouit en s’adressant à cette communauté. Le pape Benoît XVI nous offre le contexte historique de cette lettre :

« Paul arriva à Philippes durant son second voyage missionnaire, provenant de la côte de l’Anatolie et après avoir traversé la mer Égée. C’était la première fois que l’Évangile atteignait l’Europe. Nous sommes autour de l’an 50, c’est-à-dire environ vingt ans après la mort et la Résurrection de Jésus. Et pourtant, dans la Lettre aux Philippiens, se trouve une hymne au Christ qui présente déjà une synthèse complète de son mystère : incarnation, kénose, c’est-à-dire humiliation jusqu’à la mort sur la croix, et glorification. Ce même mystère est devenu “un” avec la vie de l’apôtre Paul qui écrit cette lettre alors qu’il se trouve en prison, dans l’attente d’une sentence de vie ou de mort. Il affirme : “Pour moi, la Vie c’est le Christ et mourir représente un gain” (Ph 1, 21). »Pape Benoît XVI, Angélus, 18 septembre 2011.

Saint Paul confie cette communauté au Seigneur, comme le semeur confie à Dieu son labeur : « Celui qui a commencé en vous un si beau travail, le continuera jusqu’à son achèvement. » (v. 6) Son rôle est comparable à celui de Jean-Baptiste, parce que les chrétiens ont toujours besoin de se préparer à la venue du Seigneur. Ils doivent « discerner ce qui est le plus important » (v. 9), une attitude remise en valeur à l’époque moderne sous l’impulsion de la spiritualité jésuite. Discerner, c’est voir clair dans les moments de croissance ou de désolation, sans se laisser aveugler par la réussite ou les ténèbres. Saint Paul nous invite, pour y arriver, à maintenir nos yeux fixés sur ce Jour qu’il mentionne deux fois : lorsque « viendra le Christ Jésus ». Il s’agit là du retour en gloire du Christ, la Parousie, vers laquelle tout notre être chrétien est orienté, comme nous l’avons expliqué la semaine dernière.

Notons la grande confiance de Paul vis-à-vis des destinataires de sa Lettre : il entretient un lien très étroit et paternel avec les Philippiens, qui l’ont aidé dans ses grandes difficultés ; c’est la seule communauté dont il ait accepté un salaire, ce qui montre sa confiance. Dans le passage de ce jour, il se trouve en captivité (probablement à Éphèse), et se souvient avec bonheur de cette communion passée ; ce sentiment se convertit en tendresse pour le présent (« Dieu est témoin de ma vive affection pour vous tous dans la tendresse du Christ Jésus ») et en confiance pour l’avenir : il remet ses enfants à la puissance du Seigneur pour qu’ils grandissent dans la « pleine connaissance et en toute clairvoyance » des mystères du Christ.

Sa lettre nous est adressée ; elle nous invite à vivre cet Avent comme une marche (sans trébucher) vers Noël ; le Seigneur lui aussi est en chemin, et nous nous préparons à sa venue en « aplanissant sa route » par une vie remplie d’amour… La liturgie nous offre cette prière dans la même perspective que Paul :

« Seigneur tout-puissant et miséricordieux, ne laisse pas le souci de nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre de ton Fils ; mais éveille en nous cette intelligence du cœur qui nous prépare à l’accueillir et nous fait entrer dans sa propre vie. Lui qui règne avec Toi dans l’unité du Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. »Prière collecte de la messe du 2e dimanche de l’Avent.

 

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La voix qui crie dans le désert (Rembrandt)

La voix qui crie dans le désert (Rembrandt)


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