lecture

« Le Seigneur vient » : voilà tout le message de l’Avent. Mais de quelle venue s’agit-il ? Petit enfant, il est né dans la crèche et il revient à chaque Noël ; revêtu de gloire, il viendra à la fin des temps. Il vient aussi à nous, chaque jour de notre vie. Il ne cesse de frapper à la porte de notre âme, pour nous libérer de notre univers étriqué, pour nous ouvrir à l’horizon infini de Dieu : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi. » (Ap 3, 20) La théologie a donc distingué trois venues de Jésus, trois « avènements du Christ » qui animent toute la spiritualité de l’Avent. Écoutons par exemple un théologien médiéval, Pierre de Blois :

« Il y a trois Avènements du Seigneur, le premier dans la chair, le second dans l’âme, le troisième par le jugement. Le premier eut lieu au milieu de la nuit, suivant ces paroles de l’Évangile : “Au milieu de la nuit, un cri s’est fait entendre : Voici l’Époux !” (Mt 25, 6.) Et ce premier Avènement est déjà passé : car le Christ a été vu sur la terre et a conversé avec les hommes. Nous sommes présentement dans le second Avènement : pourvu toutefois que nous soyons tels qu’il puisse ainsi venir à nous ; car il a dit que “si nous l’aimons, il viendra à nous et fera sa demeure en nous” (Jn 14, 23). Ce second Avènement est donc pour nous une chose mêlée d’incertitude ; car quel autre que l’Esprit de Dieu connaît ceux qui sont à Dieu ? Ceux que le désir des choses célestes ravit hors d’eux-mêmes savent bien quand il vient ; cependant, “ils ne savent pas d’où il vient, ni où il va” (Jn 3, 8). Quant au troisième Avènement, il est très certain qu’il aura lieu ; très incertain quand il aura lieu : puisqu’il n’est rien de plus certain que la mort, et rien de plus incertain que le jour de la mort. “Au moment où l’on parlera de paix et de sécurité, c’est alors que la mort apparaîtra soudain, comme les douleurs de l’enfantement au sein de la femme, et nul ne pourra fuir” (1 Th 5, 3). Le premier Avènement fut donc humble et caché, le second est mystérieux et plein d’amour, le troisième sera éclatant et terrible. Dans son premier Avènement, le Christ a été jugé par les hommes avec injustice ; dans le second, il nous rend justes par sa grâce ; dans le dernier, il jugera toutes choses avec équité : Agneau dans le premier Avènement, Lion dans le dernier, Ami plein de tendresse dans le second. »P. de Blois, Sermon III De Adventu, in Dom Guéranger, L’année liturgique : l’Avent, Fleuriot, 1841, p. 10-11.

Ce triple mystère explique le choix des textes pour la liturgie. Le prophète Jérémie se situe avant la première venue du Christ, et en perçoit la lumière. L’apôtre saint Paul écrit à une communauté qui vit avec ferveur la communion avec Jésus et l’accueille donc tout au long de l’histoire ; elle se prépare ainsi à ce troisième avènement, « lors de la venue de notre Seigneur Jésus avec tous les saints », dont le discours du Christ nous dévoile certains aspects.

 

La première lecture : Juda sera sauvé (Jr 33, 14-16)

Un oracle de consolation : voilà ce que Jérémie nous offre en première lecture. Le cadre historique de son écriture est très sombre, à l’approche de la chute de Jérusalem entre les mains de Nabuchodonosor (en 587 avant J.-C.), et de l’exil du peuple élu loin de la Terre promise, à Babylone. Le prophète l’annonce explicitement au roi Sédécias au chapitre suivant :

« Ainsi parle le Seigneur : Voici que moi, je vais livrer cette ville aux mains du roi de Babylone et il l’incendiera. Et toi, tu n’échapperas pas à sa main, mais tu seras bel et bien capturé et remis entre ses mains. » (Jr 34,2-3).

Face à ce désastre qui semble ruiner toutes les espérances d’Israël, le Seigneur veut consoler son peuple et l’assurer qu’il ne l’abandonnera jamais. Les promesses du passé ne seraient-elles pas rendues vaines par l’invasion ? Non, répond Dieu : « j’accomplirai la parole de bonheur que j’ai adressée… » (v. 14). Il reviendra au Verbe fait chair, Parole du Père, d’accomplir toutes les promesses adressées à Israël pour le soutenir dans sa longue marche.

Plus concrètement encore, Dieu se porte garant de l’avenir de la lignée royale, pourtant dévastée par les Babyloniens : « Je ferai germer pour David un Germe de justice, et il exercera dans le pays le droit et la justice. » (v. 15) Le peuple retrouvera sa souveraineté et la descendance de David sera rétablie sur son trône (cf. 2 S 7). Il obtiendra alors ce qui lui a été dérobé dans les ruines fumantes de Jérusalem, ce bien qui lui tient le plus à cœur : la justice et la sécurité. Ou, plus précisément, la sécurité procédant de la justice, car celle-ci aura son origine en Dieu même. Répété trois fois dans l’oracle, ce terme en constitue le centre.

La justice, dans l’Ancien Testament, désigne bien plus que le rétablissement du droit et la punition du méchant : c’est l’accomplissement de ce qui est conforme à la volonté de Dieu, le règne du bien. Cela, Dieu seul peut l’établir, et c’est pourquoi Jérémie annonce que la ville sera rebaptisée « Le-Seigneur-est-notre-justice » (יהוה צדקנו, adonai tsidqênu). Ce titre, repris aussi au chapitre 23 (v. 6), joue sur les vicissitudes historiques vécues par Sédécias, le roi contemporain de Jérémie. Son nom était à l’origine Mattanya (don de Dieu), et il a été installé au pouvoir par Nabuchodonosor qui l’a rebaptisé Sédécias (צדקיהו, tsidquiyahu, « le Seigneur est Justice », cf. 2 R 24, 17). Il s’est ensuite rebellé, a été vaincu et déporté par le roi de Babylone. Le message est clair : devant l’échec politique des hommes incapables de réaliser les idéaux qu’ils proclament, ce sera Dieu lui-même qui rétablira la lignée royale et dotera Jérusalem de la sainteté authentique.

Les allusions politiques de Jérémie dépassent leur époque : dans une lecture chrétienne, le texte acquiert un nouvel éclairage. L’établissement de cette ère de bonheur sera l’œuvre du véritable Germe de justice, celui qui naîtra dans la lignée de David, mais qui vient de plus loin, Ccelui dont l’origine « remonte aux temps anciens » (Mi 5) et qui est toute justice : le Christ. Saint Paul écrira : « Le Christ Jésus est devenu pour nous sagesse venant de Dieu, justice, sanctification et rédemption. » (1 Co 1, 30)

Notons combien l’oracle de Jérémie tourne le visage du croyant vers l’avenir : par trois fois, il répète « en ces jours-là »… Vivre dans l’attente du Sauveur, qui doit naître dans la maison de David (cf. Is 11), pour recevoir le don messianique de la paix : c’est bien l’attitude spirituelle de l’Avent, pendant lequel nous sommes tendus vers la naissance du Fils de David, Prince de la paix. Cette première lecture est donc un merveilleux portail d’entrée dans la nouvelle année liturgique, comme Dom Guéranger, grand précurseur de la réforme liturgique du siècle passé, nous l’explique :

« La Sainte Église, pendant l’Avent, attend avec larmes et impatience la venue du Christ Rédempteur en son premier Avènement [Noël]. Elle emprunte pour cela les expressions enflammées des Prophètes, auxquelles elle ajoute ses propres supplications. Dans la bouche de l’Église, les soupirs vers le Messie ne sont point une pure commémoration des désirs de l’ancien peuple : ils ont une valeur réelle, une influence efficace sur le grand acte de la munificence du Père céleste qui nous a donné son Fils. Dès l’éternité, les prières de l’ancien peuple [Israël] et celles de l’Église chrétienne unies ensemble ont été présentes à l’oreille de Dieu ; et c’est après les avoir toutes entendues et exaucées, qu’il a envoyé en son temps sur la terre cette rosée bénie qui a fait germer le Sauveur. »Dom Guéranger, L’année liturgique, chap. 2 « Mystique de l’Avent », op. cit., p. 12. 

L’évangile : Restez éveillés et priez ! (Lc 21, 25-28.34-36)

C’est l’évangile de Luc qui nous accompagnera toute cette année (cycle C). Nous l’ouvrons sur un passage difficile d’interprétation, tiré du « discours eschatologique » à Jérusalem (chap. 21). Les disciples interrogent Jésus sur son avènement, et il répond en décrivant le « Jour du Seigneur », terrible et redoutable, avec le langage des Prophètes (voir par exemple Zacharie 14).

Pendant sa vie publique, Jésus parle en plusieurs endroits de la venue du Royaume de Dieu. Il évoque par exemple un maître parti en voyage et qui revient à l’improviste : « Vous aussi, tenez-vous prêts, car c’est à l’heure que vous ne pensez pas que le Fils de l’homme va venir. » (Lc 12, 40) Confronté à la polémique des Pharisiens, il donne une double réponse, en affirmant que « le Royaume de Dieu est au milieu de vous » (17, 21), mais en annonçant aussi qu’il sera rejeté par cette génération avant que ne vienne son Jour (v. 24). Il indique ainsi deux de ses avènements.

Cette thématique est reprise au chapitre 21, dont nous lisons aujourd’hui un extrait. Dans un premier temps, alors que les disciples s’émerveillent de la beauté du Temple, Jésus annonce la chute de Jérusalem (v. 5 à 24). Il décrit un temps d’obscurcissement des consciences et de recul de la vérité (« plusieurs viendront en mon nom », v. 8), de guerres et de catastrophes, avec des persécutions (« on portera la main sur vous », v. 12). De fait, dès l’an 44 et après la mort d’Étienne, Hérode Agrippa fit exécuter Jacques et arrêter Pierre. En 64, Néron déclencha à Rome une persécution générale contre les chrétiens (considérés alors comme une secte juive), les accusant d’être responsables de l’incendie de la ville. Enfin, en août 70, l’armée romaine commandée par Titus détruisit le Temple de Jérusalem et rasa la ville le mois suivant, mettant fin, pour toujours, au culte et aux sacrifices de l’ancienne Alliance. Une grande partie de la population partit en diaspora. La ville devint païenne et le culte de Jupiter remplaça celui du Dieu d’Israël, comme Jésus l’avait prophétisé : « Jérusalem sera foulée aux pieds par des païens, jusqu’à ce que soient accomplis les temps des païens. » (v. 24)

Le Christ évoque, à la fin de cette période, un deuxième événement calqué sur le premier, comme si la chute de Jérusalem n’en était que le signe annonciateur : non plus la fin du culte juif, mais la fin du monde et la venue du Fils de l’homme. C’est le passage que nous lisons aujourd’hui. Les bouleversements cosmiques de la fin des temps correspondent aux événements tragiques que nous venons d’évoquer. Mais ce jour qui approche est pour le croyant, à la différence de l’impie, celui de la délivrance ultime, il n’est donc pas redoutable mais source d’espérance : « Redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche. » (v. 28)

Il est difficile, dans la deuxième partie de ce discours, de démêler ce qui relève de l’annonce « temporelle » du Jour de Dieu définitif, et ce qui concerne l’avènement du Royaume dans nos propres vies, comme une réalité intérieure en attente d’accomplissement. Le cardinal Ratzinger, écrivant sur l’eschatologie dans ses premières années d’enseignement, estimait que Luc distingue bien ces deux événements, à la différence de Marc et Matthieu qui les lient ; mais il affirmait qu’il n’était pas pertinent de chercher dans ces trois récits un enchaînement chronologique. Le discours appartient au genre littéraire apocalyptique, c’est-à-dire ayant trait à la révélation de DieuCf. Joseph Ratzinger, La mort et l’au-delà, Fayard 1979 , p 50-51..

La chute de Jérusalem signifie que le temps de l’attente du Sauveur est accompli ; les persécutions, que Dieu s’est fait connaître et commence à étendre son règne ; la fin de ce monde, l’établissement complet et définitif de ce règne. Cela est également vrai pour nos propres vies, où Dieu intervient par étapes, à la fin desquelles il se révélera pleinement. Le Catéchisme de l’Église catholique nous rappelle quel sera le terme ultime de ce processus de révélation :

« À la fin des temps, le Royaume de Dieu arrivera à sa plénitude. Alors les justes régneront avec le Christ pour toujours, glorifiés en corps et en âme, et l’univers matériel lui-même sera transformé. Dieu sera alors « tout en tous » (1 Co 15, 28), dans la vie éternelle. »Catéchisme de l’Église catholique, nº1060. 

Trois aspects saillants ressortent du récit apocalyptique de ce dimanche (v. 25-36) : des bouleversements cosmiques qui préparent le retour du Fils de l’homme, la peur qui s’empare de l’humanité et la venue dans la gloire du Christ. Ce retour glorieux marquera la fin du monde que nous connaissons, tel qu’il est ordonné depuis la création. Ce sera un passage douloureux et effrayant, comme un accouchement déroute par les souffrances vécues mais mène finalement à la joie de la naissance : ce sera la « nouvelle création » (cf. Ap 21), établie par le « Fils de l’homme », mais qui a déjà commencé : « Nous le savons en effet, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. » (Rm 8, 22) À la fin des temps, Jésus établira définitivement son Règne – celui de Dieu – sur le monde ; c’est pourquoi il s’applique à lui-même la vision mystérieuse du « Fils de l’homme » dans le livre de Daniel :

« À ce Fils d’homme fut conféré empire, honneur et royaume, et tous peuples, nations et langues le servirent. Son empire est un empire éternel qui ne passera point, et son royaume ne sera point détruit » (Dn 7,14).

Mais une difficulté demeure : comment ces signes cosmiques font-ils sens pour notre époque ? L’histoire déchirante du siècle passé, avec ses camps de concentration et ses totalitarismes sataniques, peut-elle être comprise dans cette optique ? Avant de traiter ce thème dans la méditation, écoutons le Catéchisme nous offrir quelques indications précieuses :

« Avant l’avènement du Christ, l’Église doit passer par une épreuve finale qui ébranlera la foi de nombreux croyants (cf. Lc 18, 8). La persécution qui accompagne son pèlerinage sur la terre (cf. Lc 21, 12) dévoilera le “mystère d’iniquité” sous la forme d’une imposture religieuse apportant aux hommes une solution apparente à leurs problèmes au prix de l’apostasie de la vérité. L’imposture religieuse suprême est celle de l’Anti-Christ, c’est-à-dire celle d’un pseudo-messianisme où l’homme se glorifie lui-même à la place de Dieu et de son Messie venu dans la chair. Cette imposture anti-christique se dessine déjà dans le monde chaque fois que l’on prétend accomplir dans l’histoire l’espérance messianique qui ne peut s’achever qu’au-delà d’elle à travers le jugement eschatologique : même sous sa forme mitigée, l’Église a rejeté cette falsification du Royaume à venir sous le nom de millénarisme, surtout sous la forme politique d’un messianisme sécularisé, “intrinsèquement perverse”. »Catéchisme de l’Église catholique, n° 675-676.

Les hommes, malgré ces avertissements du Christ, ne se préparent pas à son retour : ils l’ignorent, ou bien l’ont renié, ou encore − pour les croyants − ils ont tendance à l’oublier et à vivre comme s’il ne devait pas avoir lieu. Il en va de même pour notre propre mort : nous savons tous qu’elle viendra, mais nous nous comportons comme si de rien n’était… Il est pourtant terrible de mourir et de comparaître devant le Juge ! L’avertissement du Christ est sévère : au long du fleuve de l’histoire, notre âme pourrait s’engourdir et s’enliser dans « les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie » (v. 34), perdant de vue sa raison d’être. Pour celui qui dort ainsi dans l’oubli de l’essentiel, l’avènement du Jour sera d’une grande violence, comme un réveil brutal qui saisit le pécheur à l’improviste ; pour celui qui veille dans la foi, il s’agira au contraire d’un aboutissement et d’une récompense : « Vous aurez la force de vous tenir debout devant le Fils de l’homme. » (v. 36)

L’alternative est grandiose : c’est pourquoi Jésus emploie un langage très ferme et nous invite à la vigilance : « Restez éveillés et priez en tout temps ! » (v. 36) Le pape Benoît XVI nous explique comment vivre ce conseil :

« Lorsque le Seigneur dit : “Priez en tout temps”, il ne nous demande pas naturellement de réciter continuellement des prières, mais de ne jamais perdre le contact intérieur avec Dieu. S’exercer à ce contact est le sens de notre prière. C’est pourquoi il est important que la journée commence et s’achève par la prière. Que nous écoutions Dieu dans la lecture de l’Écriture. Que nous lui disions nos désirs et nos espérances ; nos joies et nos souffrances ; nos erreurs et notre action de grâce pour chaque chose belle et bonne et que, de cette façon, nous l’ayons toujours devant nos yeux comme point de référence de notre vie. Nous prenons alors conscience de nos erreurs et apprenons à travailler pour nous améliorer ; mais nous devenons aussi sensibles à tout le bien et à tout le beau que nous recevons chaque jour comme quelque chose allant de soi, et ainsi la gratitude grandit en nous. Et avec la gratitude, grandit la joie pour le fait que Dieu nous est proche et que nous pouvons le servir. »Pape Benoît XVI, Lettre aux séminaristes, 18 octobre 2010.

La deuxième lecture : se préparer à la venue du Seigneur (1Th 3)

Saint Paul reprend l’invitation du Christ dans sa Première Lettre aux Thessaloniciens. Ce texte est le premier livre du Nouveau Testament à avoir été écrit : il nous montre combien les premiers chrétiens vivaient dans l’attente du retour imminent du Seigneur, quelques décennies seulement après sa résurrection. Ils s’y préparaient en vivant le commandement de Jésus, celui de la charité, dont saint Paul veut favoriser la croissance : « Que le Seigneur vous donne un amour de plus en plus intense et débordant » (v. 12) ; C’est le chemin pour que leurs cœurs soient « irréprochables en sainteté » (v. 13).

L’Apôtre parle avec tendresse à cette communauté qu’il a fondée, louant sa réception de l’Évangile : « Vous vous êtes mis à nous imiter, nous et le Seigneur, en accueillant la Parole, parmi bien des tribulations, avec la joie de l’Esprit Saint. » (1 Th 1, 6) Il les exhorte comme un père s’adresse à ses enfants, car il les veut parfaits pour le jour du Jugement, lorsque le Seigneur reviendra. Il souhaite qu’ils puissent alors « se tenir sans reproche devant Dieu notre Père » (v. 13), la même image que celle de l’évangile : « la force de […] vous tenir debout devant le Fils de l’homme » (Lc 21, 36). La position « debout » est celle de l’homme libre, qui n’est pas écrasé par les accusations comme le serait un coupable ; elle exprime la force de l’innocent, qui se tient debout, sûr de son droit, face à ses juges. Mais nous autres que le péché accable, comment pourrions-nous prétendre à cette innocence ? Ne sommes-nous pas comme Adam qui se précipite dans les cachettes afin de dissimuler ses forfaits (cf. Gn 3) ? C’est le Christ qui est notre justice et nous fait le don de cette assurance, comme saint Paul l’écrit dans une autre lettre : « Revêtez l’homme nouveau, qui a été créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité. » (Ep 4, 24)
Édith Stein nous en offre une application spirituelle qui inspirera de nombreux religieux :

« Lorsque nous recevons le saint habit du Carmel, nous nous engageons non seulement envers notre Époux divin, mais aussi envers sa Mère à servir le mieux possible. Le vêtement du salut est aussi appelé vêtement de la justice. Il nous est remis avec l’invitation à nous dépouiller du vieil homme et à revêtir l’homme nouveau, créé à l’image de Dieu dans la sainteté et la justice Par “justice”, l’Écriture sainte entend la perfection, l’état de l’homme justifié, qui a été rendu juste, comme il l’était avant la chute. Quand nous recevons le manteau de la justice, nous nous engageons donc à tendre de toutes nos forces vers la perfection et à garder ce saint vêtement intact. Nous ne pouvons mieux servir la Reine du Carmel ni lui montrer davantage notre reconnaissance qu’en la prenant pour modèle et en la suivant sur le chemin de la perfection. »É. Stein, Source cachée. Œuvres spirituelles, Ad Solem-Cerf, 1999, p. 252.

Mais qui enseignera à l’homme comment être juste, si ce n’est Dieu lui-même ? C’est l’objet du Psaume 25(24), chanté à la messe, qui constitue une très belle prière de supplication. Dieu est présenté comme un Maître qui enseigne au fidèle le chemin à parcourir : le vocabulaire de la route revient continuellement (« tes voies », « ta route », « Dirige-moi », etc.), une image classique dans la littérature de Sagesse. Dans les ténèbres de cette vie, nous pouvons faire toute confiance à Dieu qui nous prend par la main : « Il montre aux pécheurs le chemin. » (v. 8) La seule condition nécessaire est d’avouer notre faiblesse : « Il enseigne aux humbles son chemin. » (v. 9)

L’Israélite trouvait dans la Loi ce chemin concret (« son alliance » et « ses lois ») ; le chrétien le reçoit en Jésus-Christ qui est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6). C’est son double avènement que nous attendons en cet Avent, en suivant saint Bernard :

« Il va de soi, mes frères, que vous devez célébrer de toute votre dévotion l’avènement du Seigneur, étant charmés par une telle consolation, stupéfaits par une telle commisération, enflammés par une telle dilection ! Mais ne pensez pas seulement à l’avènement où le Seigneur est venu chercher et sauver ce qui était perdu (Lc 19, 10) ; pensez à celui où il viendra pour nous prendre avec lui. Puissiez-vous consacrer à ces deux avènements une méditation prolongée, en ruminant dans vos cœurs ce qu’il a donné dans le premier, ce qu’il a promis dans le second ! »Saint Bernard, Sermons sur l’avent du Seigneur, 4, 1, 3-4, Leclercq, 1966, p. 182.

Icône Marie enceinte

Marie enceinte, icône de l’Avent


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