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Détruisez ce sanctuaire…

La réponse de Jésus aux Juifs qui l’interpellent dans le Temple, eux-mêmes dérangés par son geste subversif et prophétique, mérite qu’on s’y arrête : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai ! » (Jn 2, 19.) Cette parole est incompréhensible pour les auditeurs, mais nous fournit trois points de méditation : elle provient d’une sagesse supérieure (1). Elle nous introduit dans le mystère du Christ, dont le Corps est l’Église (2). Enfin, elle nous ouvre un chemin de conversion personnelle pour ce Carême (3).

Sagesse ou folie ?

Le passage de la Première Lettre aux Corinthiens que nous avons écouté en première lecture (1 Co 1) est le meilleur commentaire à l’épisode de la purification du Temple (Jn 2) : scandale et folie du comportement du Christ.

Jésus a attiré l’attention des autorités du Temple par son geste prophétique, puis a fourni une réponse dont le sens profond ne peut que leur échapper à ce moment-là. Les enseignements et les signes de Jésus – comme la guérison de l’aveugle-né – vont se succéder dans le Temple, mais les cœurs se fermeront et les autorités du Temple s’obstineront à interpréter ces paroles politiquement, effrayés pas la révolution spirituelle qu’il apporte. Certains considéreront comme une folie apparente, de la part du Messie, de se comporter ainsi face aux puissants. Il eût été humainement bien plus sage de nouer des alliances, de converser doctement sur l’Écriture ou d’établir un dialogue dans le respect mutuel… La force de la parole du Christ vient se briser contre la prétendue sagesse humaine, une rencontre que Bernanos a bien décrite :

« Il n’est rien de haïssable en l’homme que sa prétendue sagesse, le germe stérile, l’œuf de pierre que les vieillards se passent de génération en génération et qu’ils essaient d’échauffer tour à tour entre leurs cuisses glacées. En vain Dieu s’efforce de les réduire, les prie avec douceur d’échanger ce ridicule objet contre l’or vivant des Béatitudes. Ils le regardent en claquant des mandibules, épouvantés, poussant d’effroyables soupirs. S’il est vrai, comme l’exprime l’Évangile, que cette sagesse est folie, pourquoi, entre tant d’autres folies, ont-ils élu ce caillou ? Mais la sagesse est le vice des vieillards, et les vieillards ne survivent pas à leur vice, et emportent avec eux son secret [1] … »

Les Juifs réclament des signes, et Jésus aurait pu leur en offrir sur-le-champ ; mais, au-delà de la violence de son geste, il choisit déjà la voie de la faiblesse, celle qui le conduira à la Passion. Ses paroles constituent effectivement un blasphème qui sera son motif principal d’accusation. Mauriac nous décrit bien « l’erreur stratégique » de Jésus à ce moment-là :

« “Détruisez ce temple et je le rebâtirai en trois jours !” Les Docteurs, les Pharisiens, les tenants de la lettre échangent des regards et se réjouissent. Deux d’entre eux recueillent cette parole odieuse dans leur mémoire ; ils se la rappelleront au jour de la justice, dans trois années, lorsque le Fils de l’homme leur sera livré enfin, et que pressés autour du Grand Prêtre, ils chercheront un témoignage contre l’imposteur. Peut-être Jésus, à cette minute où il tenait encore dans sa main le fouet de cordes, regardait-il cet endroit de sa vie à venir, lorsque ces deux-là viendraient l’accuser : “Cet homme a dit qu’il pouvait détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours.” Peut-être entend-il déjà dans son cœur la question du Grand Prêtre : “Ne réponds-tu rien à ce que ces hommes déposent contre toi ?” [2] »

Folie et faiblesse : voilà bien les traits de ce « Messie crucifié » que prêche saint Paul. Les paroles du Christ dans le Temple étaient obscures pour ses auditeurs ; mais elles devinrent lumière pour les disciples après la Résurrection. Dans cette scène, nous voyons à l’œuvre la Sagesse d’amour qui est celle de Dieu, qui dépasse notre entendement et que le bienheureux Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus a décrite ainsi :

« La Sagesse d’amour est ici-bas comme un agneau au milieu des loups car le monde est mauvais et elle condamne le monde par sa seule présence. C’est une loi de lutte et de souffrance intérieure et extérieure qui suit tous les développements et les triomphes de la Sagesse d’amour ici-bas. Elle vit et étend ses conquêtes sur la terre en une Église qui est militante et douloureuse jusqu’en ses victoires. “Ne fallait-il pas que le Christ souffrît et entrât ainsi dans la gloire ?” (Lc 24, 26), proclame Jésus après sa Résurrection. C’est une nécessité qui s’impose à tous ceux qui le suivent [3] . »

Essayons d’accueillir cette Sagesse d’amour, d’accepter tout ce qui nous dérange et rebute en elle, laissons-la détruire la sagesse humaine qui hante encore et toujours notre vie : c’est ainsi que l’amour du Christ pourra conquérir nos cœurs. En nous laissant guider par cette Sagesse, contemplons la scène de la purification du Temple, pour y découvrir deux mystères profonds : celui de l’Église, celui de notre âme.

L’Église corps du Christ

« Mais lui parlait du sanctuaire de son corps » (Jn 2, 21) : un mystère inépuisable… Origène, au iiie siècle, nous a offert une interprétation théologique de grande envergure de ce passage. Il affirme que le Temple de pierres – celui où les voix de Jérémie et de Jésus ont retenti – était l’image du corps physique du Sauveur, engendré par Marie ; c’est bien le sens littéral de l’évangile de Jean. Mais Origène accomplit un pas de plus : le Temple est aussi l’image de l’Église, et il écrit :

« J’affirme que les divines Écritures présentent l’ensemble de l’Église de Dieu comme le Corps du Christ, animé par le Fils de Dieu, et que les croyants quels qu’ils soient sont les membres de ce corps considéré comme un tout. En effet, comme l’âme vivifie et meut le corps incapable naturellement de tirer de lui-même un mouvement vital, le Logos lui aussi, par les motions au bien et l’action qu’il imprime au corps entier, meut l’Église et chacun de ses membres qui ne fait rien indépendamment du Logos [4] . »

Bien des siècles après, cette idée est devenue un bien commun de la théologie catholique moderne, telle que l’exprime l’encyclique Mystici Corporis de Pie XII, tout entière dédiée au mystère de l’Église comme Corps mystique du Christ :

« Il ne faut pas expliquer cette expression de Corps du Christ seulement par le fait que le Christ doit être appelé la Tête de son Corps mystique, mais aussi par le fait qu’il soutient l’Église, qu’il vit dans l’Église, si bien que celle-ci est comme une autre personne du Christ. C’est ce que le Docteur des Nations affirme dans son Épître aux Corinthiens lorsqu’il appelle l’Église le Christ, sans rien ajouter de plus (1 Co 12, 12), l’exemple du Maître lui-même qui, du ciel, l’avait interpellé, tandis qu’il persécutait l’Église : “Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ?” (Ac 9, 4) [5] . »

Origène nous offre ainsi une exégèse très puissante, où une institution de l’Ancien Testament (le Temple) est l’ombre d’une autre réalité, cette fois-ci dans le Nouveau (le corps de Jésus) ; mais cette réalité est elle-même image d’une troisième réalité, dans le temps de l’Église (qui est le Nouveau Temple) ; nous passons ainsi de l’ombre à l’image, puis de l’image à la réalité [6] … Origène pose ainsi les fondements de l’interprétation typologique, si importante pour les Pères, que le Catéchisme décrit ainsi :

« L’Église, déjà aux temps apostoliques, et puis constamment dans sa Tradition, a éclairé l’unité du plan divin dans les deux Testaments grâce à la typologie. Celle-ci discerne dans les œuvres de Dieu dans l’Ancienne Alliance des préfigurations de ce que Dieu a accompli dans la plénitude des temps, en la personne de son Fils incarné. Les chrétiens lisent donc l’Ancien Testament à la lumière du Christ mort et ressuscité. […] Selon un vieil adage, le Nouveau Testament est caché dans l’Ancien, alors que l’Ancien est dévoilé dans le Nouveau : “Le Nouveau se cache dans l’Ancien et dans le Nouveau l’Ancien se dévoile” (Saint Augustin) [7] . »

La voix de Jésus a ainsi résonné dans l’ancien Temple d’Israël, mais elle continue de réveiller son Église aujourd’hui, en nous interpellant : « Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic » (Jn 2, 16)… Origène reprend alors la théologie ecclésiale de saint Paul (1 Co) et envisage le « troisième jour » de la Résurrection finale, où nous serons « relevés » pour former un seul Corps dans le Christ. Il écrit cette très belle page :

« Lorsqu’aura lieu cette résurrection du Corps du Christ véritable et plus parfait, alors les membres du Christ qui, si on les compare à ce qu’ils doivent devenir, ne sont actuellement que des ossements desséchés [cf. Ez 37], seront réunis os contre os, jointure contre jointure ; car aucun de ceux qui manqueront de jointures ne fera partie de cet homme parfait, à la mesure du plein développement du Corps du Christ. Alors les membres, bien que nombreux, ne formeront qu’un corps, car tous les membres du corps deviendront, malgré leur multitude, un seul corps. Quant à distinguer le pied, la main, l’œil, l’oreille, le nez, les éléments de la tête, ceux des pieds et des autres membres, les plus faibles, les plus vils, les plus indécents et les plus décents, cela n’appartient qu’à Dieu qui assemblera le corps. Et alors plus que maintenant, il accordera plus d’honneur à celui qui en manque, afin qu’il n’y ait aucune division dans le corps, mais que les membres aient également soin les uns des autres et que, si l’un est bien traité, tous le soient et, si l’un est honoré, tous s’en réjouissent [8] . »

Ce nouveau Temple – l’Église –, Corps mystique du Christ, comment concrètement pouvons-nous contribuer à le construire ? Le pape François, dans l’exhortation Evangelii Gaudium, nous offre de belles descriptions de l’Église selon la Sagesse d’amour de Dieu. Retenons celle-ci, qui développe l’expression de « maison de mon Père » utilisée par Jésus :

« L’Église est appelée à être toujours la maison ouverte du Père. Un des signes concrets de cette ouverture est d’avoir partout des églises avec les portes ouvertes. De sorte que, si quelqu’un veut suivre une motion de l’Esprit et s’approcher pour chercher Dieu, il ne rencontre pas la froideur d’une porte close. Mais il y a d’autres portes qui ne doivent pas non plus se fermer. Tous peuvent participer de quelque manière à la vie ecclésiale, tous peuvent faire partie de la communauté, et même les portes des sacrements ne devraient pas se fermer pour n’importe quelle raison. Ceci vaut surtout pour ce sacrement qui est “la porte”, le Baptême. L’Eucharistie, même si elle constitue la plénitude de la vie sacramentelle, n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles. Ces convictions ont aussi des conséquences pastorales que nous sommes appelés à considérer avec prudence et audace. Nous nous comportons fréquemment comme des contrôleurs de la grâce et non comme des facilitateurs. Mais l’Église n’est pas une douane, elle est la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile [9] . »

La Sagesse d’amour vient donc heurter nos conceptions trop humaines de l’Église comme institution bien réglée où tout demeurerait paisiblement « sous contrôle », elle fait irruption dans notre vie comme le Christ avec son fouet dans le Temple. Dans une homélie, le pape François lisait dans l’évangile du jour un triple appel à nos consciences : édifier l’Église, protéger l’Église, purifier l’Église. Ces mots-clés pourraient nous inspirer pendant cette période de Carême.

Il s’agit d’abord de construire sur le Christ : « De fondement, en effet, nul n’en peut poser d’autre que celui qui s’y trouve, c’est-à-dire Jésus Christ. » (1 Co 3, 11) Le Pape appelle donc chacun de nous, pierres vivantes, à construire selon le don que Dieu lui a donné :

« Ne pensons pas à une église uniforme : cela n’est pas l’Église. Car chacun de nous a ses charismes propres au service de l’unité de l’Église ; ne nous effrayons pas des différences [10] . »

En voyant mes frères à mes côtés, si différents par leur sensibilité, leur origine, leurs convictions, ai-je un sentiment de rejet, le désir de les rendre semblables à moi ? Ou bien est-ce que je parviens à découvrir le Christ en eux, si bien que ces multiples visages spirituels me renvoient au Créateur et unique Père en qui nous sommes appelés à ne faire qu’un ? Quel est le don personnel que le Christ m’a donné pour que je le mette au service de l’Église ?

Il convient, ensuite, de protéger l’Église en pratiquant le discernement : comme l’exprime le pape François, il s’agit de « protéger l’Esprit Saint qui habite dans l’Église et en chacun de nous, car le fondement c’est le Christ, mais l’harmonie c’est l’Esprit Saint qui la fait [11] ».

Nous sommes une Église en chemin, appelée à vivre des transformations tout en puisant dans le trésor de la Parole de Dieu et de la Tradition : mais l’Esprit fait sans cesse toutes choses nouvelles et éclaire cette Parole et cette Tradition. Est-ce que je laisse l’Esprit Saint me guider sur les chemins de la Sagesse d’amour, qui heurte souvent ma sensibilité, mes habitudes et ma sagesse humaine ? Rappelons-nous saint Paul et le « Messie crucifié : scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes » (1 Co 1, 23). Suis-je assez expérimenté dans le discernement des esprits pour repérer la fausse sagesse du monde et en ai-je le courage ?

Troisième point de l’homélie du pape François : purifier l’Église. On pense bien sûr aux scandales qui frappent l’Église et pour lesquels une politique de « tolérance zéro » doit être appliquée. Ils sont l’œuvre de Satan. Mais le Pape évoque des choses beaucoup moins choquantes qui viennent pourtant souiller l’Église :

« Jésus ordonne d’emporter d’ici ces choses. Mais quelles étaient ces choses ? C’est le marché de la mondanité, le marché de l’argent, le marché de la vanité [12] … »

Et si le Christ venait faire irruption dans notre communauté religieuse, dans notre paroisse, dans mon ministère ecclésial comme jadis au Temple ? Quelles sont ces mondanités qui défigurent notre Église comme les tables des changeurs ? Ambitions, places réservées, respect humain, orgueil spirituel, compromission avec les puissances du monde, désir de réussite humaine visible, souci de ne pas déplaire, attachement à l’apparence extérieure du culte…

Laisser le Christ purifier le temple intérieur

Pour que l’Église soit purifiée, il n’y a pas d’autre voie que la purification personnelle de chacun de ses membres. C’est la célèbre réaction de Mère Teresa à la question d’un journaliste : « Qu’est-ce qui ne va pas dans l’Église ? – Vous et moi ! » Le pape François nous appelle lucidement à « purifier, mais pas en regardant le péché d’autrui, celui de l’autre ; en regardant le mien. C’est mon péché qui fait de l’Église un marché [13] »…

Le bienheureux Marie-Eugène nous aide à accomplir un pas de plus. Il explique la grandeur et la souffrance du chemin où nous mène la Sagesse d’amour, en passant du plan collectif (l’Église) au plan individuel (l’âme) :

« La Sagesse d’amour n’a qu’un dessein à la réalisation duquel elle emploie toutes les ressources de sa puissance et de sa sagesse : dessein unique qui explique toute son œuvre, l’Église. Le chef-d’œuvre de cette Sagesse d’amour était incontestablement l’humanité sainte du Christ. Cette humanité unie au Verbe par les liens de l’union hypostatique, merveilleusement ornée de tous les dons, douée dès ici-bas de la vision face à face, la Sagesse d’amour la livre aux angoisses de Gethsémani, à la mort de la Croix et en nourriture à tous ceux qu’elle veut conquérir. L’Incarnation, le Calvaire, l’Eucharistie : tels sont les plus beaux triomphes de la Sagesse d’amour. Ces triomphes, elle aspire à les renouveler dans les âmes. Le Christ en croix est un modèle qu’elle dresse devant elle et devant nous comme l’exemplaire parfait de toutes ses œuvres ici-bas. Elle veut nous conquérir nous aussi, nous embellir pour que nous lui devenions des temples purifiés et magnifiques ; elle veut, en nous, dresser un autel pour nous immoler à la gloire de Dieu et faire jaillir de nos blessures des fleuves de lumière et de vie pour les âmes [14] . »

En dernière analyse, le Temple que Jésus veut purifier, le parvis des païens qu’il veut nettoyer, c’est mon cœur où il demeure depuis mon baptême comme dans le Saint des saints. L’espace encombré et impur qui souille le Sanctuaire, c’est toute cette partie de ma personne qui échappe à la louange divine pour se livrer au commerce des idoles. Pour remédier à cela, la méthode est assez radicale : la violence de Jésus nous invite à refuser les compromis et à retirer ce qui blesse la dignité du lieu.

Nous sommes invités, en Carême, à pratiquer un repentir audacieux, à débusquer et à renoncer courageusement à tout ce qui n’a pas sa place dans une vie chrétienne. Peut-être ne sommes-nous pas en état de péché grave, peut-être sommes-nous même déjà avancés sur la voie de la sainteté. Il y a toutefois toujours en nous des idoles bien installées dans notre âme en lieu et place de Dieu : difficulté de faire confiance au Seigneur et tendance à compter sur nos propres forces et nos biens matériels, besoin de signes extérieurs pour garder la foi, petites compromissions avec l’esprit du monde car cela nous aide à nous sentir bien (flatteries, besoin de reconnaissance, confort physique et sensuel), esprit caustique et critique qui nous rassure sur notre propre valeur, repli sur nous par peur de souffrir… Sur tous ces points, souvent, nous marchandons avec Dieu comme dans une maison de commerce : « Seigneur, ce n’est pas très grave ; j’ai besoin de tout cela pour tenir ; ça ne m’empêche pas de t’aimer et de te servir ; la vie n’est pas facile et je ne suis qu’un homme… »

Pour les identifier et les rejeter, prenons exemple sur les disciples dans cette page d’évangile. Tout d’abord, « ils se rappelèrent qu’il est écrit : “Le zèle pour ta maison me dévorera” » (Jn 2, 22). Ils connaissent donc l’Écriture et savent que Dieu s’y révèle. Et nous ? Sommes-nous dévorés du zèle de Dieu et cherchons-nous dans sa Parole comment lui plaire ? Pendant ce Carême, ne laissons pas notre Bible dormir sur l’étagère…

Ensuite, ils regardent attentivement Jésus, écoutent et recueillent ses paroles, notent ses gestes. C’est bien le point de départ de notre vie spirituelle, toute centrée sur le mystère du Christ. Prenons donc aussi le temps de la contemplation du Christ, qui est l’unique maître et l’unique modèle.

Enfin, Jean note soigneusement : « Quand il ressuscita d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Écriture et à la parole qu’il avait dite. » (Jn 2, 22) C’est le plus important : ils comprennent et assimilent les faits et gestes de Jésus à la lumière du mystère pascal, et en saisissent ainsi le sens profond, celui de l’Amour qui va jusqu’au bout, jusqu’au don absolu de soi.

C’est encore dans le Temple que Jésus révélera pleinement le mystère insondable de son Cœur en s’écriant : « Qu’il vienne à moi celui qui a soif et qu’il boive, car de mon sein couleront des fleuves d’eau vive ! » (Jn 7, 37) Participons fréquemment à la messe et méditons la Passion en nous y associant de tout notre cœur.

En ce temps de Carême, nous pouvons remercier le Père d’avoir envoyé Jésus accomplir une telle œuvre. Nous lui offrons le nouveau culte dans l’Esprit, celui de la louange, dans le nouveau Temple qui est l’Église, et nous recevons cette période comme un temps de purification. Toutes ces dimensions sont présentes dans la très belle préface de la liturgie :

« Vraiment, il est juste et bon de te rendre gloire, de t’offrir notre action de grâce, toujours et en tout lieu, à toi, Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant. Tu offres à tes enfants ce temps de grâce pour qu’ils retrouvent la pureté du cœur. Tu veux qu’ils se libèrent de leurs égoïsmes, afin qu’en travaillant à ce monde qui passe, ils s’attachent surtout aux choses qui ne passent pas [15] . »

 


[1] . G. Bernanos, Les grands cimetières sous la lune, Plon, 1955, p. 341.

[2] . F. Mauriac, op. cit., p. 59-60.

[3] . Marie-Eugène de l’Enfant Jésus, Je veux voir Dieu, Éditions du Carmel, 2015, p. 300.

[4] . Origène, Contre Celse, VI, 48.

[5] . Pape Pie XII, Encyclique Mystici Corporis Christi, « Le corps mystique de Jésus-Christ », 1943.

[6] . Origène trouve les termes de cette exégèse dans un verset de la Lettre aux Hébreux : « N’ayant, en effet, que l’ombre des biens à venir, non l’image même des réalités, la Loi est absolument impuissante, avec ces sacrifices, toujours les mêmes, que l’on offre perpétuellement d’année en année, à rendre parfaits ceux qui s’approchent de Dieu. » (He 10, 1).

[7] . CEC, nº 128-129.

[8] Origène, Commentaire sur saint Jean, vol. II, livre X, XXXVI, coll. « Sources chrétiennes », n° 157, 2006, p. 524.

[9] . Pape François, Evangelii Gaudium, nº 46-47.

[10] . Pape François, Homélie, 9 novembre 2017 (traduction des auteurs).

[11] . Idem.

[12] . Idem.

[13] . Idem.

[14] . Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, op.cit., p. 302.

[15] . Préface II du Carême.


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